Après la grande omerta, opérée par l’ensemble de l’écosystème de la restauration – les chefs, les associations diverses et, en premier lieu, la presse professionnelle volontairement aveugle -, et levé pour la première fois en 2014 par le média Atabula, le sujet des violences en cuisine ne cesse de revenir sur le devant de l’actualité. Que ce soit au présent ou au passé.
Le passé, justement, le chef Eloi Spinnler – à la tête des restaurants Colère (Paris, 9e arr.) et Orgueil (Paris, 11e arr.) – est revenu sur le sien. Qui fut douloureux. Dans une vidéo réalisée par France Info, il révèle qu’il a été victime de violences lors de sa première année d’apprentissage. Il n’avait alors que 13 ans. Parmi les joyeusetés qu’il évoque : le jeu de l’olive. Rien à voir avec le petit fruit oblong ; il s’agit d’un « jeu » qui consiste à enfoncer un doigt dans le cul à travers les vêtements. Comme il l’explique, « il y a tout un mécanisme avant d’en arriver là. Il y a déjà une normalisation de la violence… Ca passe par des cuillères chauffées à blanc, des portes de frigo fermées sur le bras d’un autre apprenti. Ça passe par une droite, un tirage d’oreille, des rabaissements, des phrases comme ‘Tu n’es qu’un bon à rien, tu n’arriveras jamais à rien !’, des insultes… »
Contrairement à d’autres professionnels, Eloi Spinnler veille à ne pas reproduire ce qu’il a subi. « Dans mon premier poste de chef je travaillais trop, je ne me sentais pas forcément toujours soutenu. Un jour, j’ai menacé un de mes gars. Mettre un tir à quelqu’un et le voir partir en cuisine la larme à l’œil, moi, ça m’a flingué. » Depuis, le chef trentenaire a mis en place tout un système pour permettre un management bienveillant.
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Pratique | Lien vers la vidéo
Photographie | Sofiane Vincent