Les bookmakers prennent déjà les paris : même mort, Guy Savoy sera encore et toujours premier du classement de la La Liste. Avec ses amis, les fondateurs de ce système franchouillard anti-50 Best, ils ont du se mettre d’accord autour d’une table, une belle bouteille de vin de Bordeaux devant eux, avant de lancer leur Barnum, sur la nécessaire présence d’une tête de pont indétrônable pour incarner la France. Par son historique, par son statut, par ses réseaux aussi, le chef de la Monnaie tenait la corde. Il ne la lâche pas. Depuis le début, Guy Savoy truste donc la tête de liste, contre vents et marées, contre le Michelin même qui avait bien compris le stratagème. Le Bibendum lui a enlevé la troisième étoile en 2023 – un retrait justifié selon nous – pour voir comment réagirait l’algorithme. Une réaction qui n’en fut pas vraiment une puisque, en 2024, Guy Savoy conservait la première place. Tout les commentateurs, qui ne commentent plus rien tout haut de peur de ne plus être invités à la sauterie annuelle au Quai d’Orsay, rigolaient sous cape d’une telle ineptie. La Liste a au moins une qualité : la constance de ses vilaines habitudes de privilégier les amis au détriment de la moindre vérité algorithmique. D’ailleurs, quelle vérité des chiffres ? La Liste se vante d’avoir une « méthodologie unique » – nous préférons « inique » – qui analyse plus de 1100 sources, des guides jusqu’aux commentaires des clients, pour en ressortir une note sur 100. Est-ce possible de le faire correctement ? Plusieurs spécialistes estiment que, d’un pur point de vue technique, non. Mais que dire encore de l’affirmation selon laquelle « le système prend également en compte les engagements environnementaux et sociaux des établissements, assurant une évaluation contemporaine » ? Foutaise. Personne aujourd’hui n’est capable d’une telle analyse, pas même le Michelin, bien mieux outillé pourtant, qui reconnait qu’il est impossible à ce jour de remonter les informations et les quantifier. En écrivant cela, La Liste ne dit tout simplement pas la vérité.
Pour essayer de faire bonne figure, mais aussi et surtout désormais pour faire des grosses affaires en Asie – « car le business est là, il faut désormais les mettre en avant pour vendre des contrats » glissait une source proche des organisateurs de La Liste à Bouillantes -, le classement se transforme en grande école des fans. Ratisser large ! L’an dernier déjà, six restaurants occupaient la première place. Cette année, ce ne sont pas moins de neuf tables qui trustent le haut du podium, dont la Vague d’Or (Saint-Tropez) du chef Arnaud Donckele. Ainsi, le hasard fait bien les choses : Bernard Arnault et François Pinault se retrouvent côte à côte sur la première marche. Si la La Liste n’a pas peur du ridicule, on peut au moins lui reconnaitre le sens des affaires.
Ce sens des affaires se voit aussi dans la multiplication des prix : pas moins de douze ! Sponsorisés bien évidemment. Forcément, pour faire plaisir à tout le monde, les catégories débordent de vainqueurs. Il y en a tellement que le communiqué de presse n’a pas réussi à les faire tenir dans la capture d’écran glissée dans le document. On ne s’étendra pas sur le prix d’honneur remis à Georges Blanc – Monsieur le Bibendum, un commentaire sur la troisième étoile de M. Blanc ? – mais on ne peut s’empêcher de sourire, encore, sur les « tendances de la gastronomie 2024 » mises en avant : la cuisine italienne, la cuisine chinoise, la végétalisation, la fermentation, la mixologie… Que de révélations d’un coup, c’est trop ! En conclusion, La Liste prend des risques comme jamais en affirmant que « la gastronomie évolue vers une approche centrée sur le plaisir et l’authenticité, où l’expérience client prime sur les distinctions. » Enfin une note de bon sens : les clients se moquent bien des vicissitudes de la Liste qui n’a jamais eu pour objectif de classer les restaurants selon un système précis mais de valoriser coûte que coûte la gastronomie française puis, désormais, de développer des intérêts commerciaux, en Asie principalement. Quant aux chefs, trop heureux d’être invités, de se retrouver et de gagner une breloque, ils participent aveuglement. Un business as usual toujours plus ridicule.
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