Erso (Paris, 11e arr.) : cuisine câline

Ouverte il y a peu, la table de Yann Placet (en cuisine) et Marine Bert (en salle) ne prétend pas révolutionner la cuisine parisienne, mais elle ne compte pas non plus s’endormir en revendiquant une étiquette passe-partout. Bouillantes a goûté la « néo-gastronomie » d’Erso.

En cette rentrée gourmande, marquée par quelques ouvertures et beaucoup de fermetures en cours ou à venir, le monde de la restauration se questionne énormément. Sur l’offre, sur le bon positionnement tarifaire, sur ce que désire ce client toujours aussi versatile. À Paris, après un été catastrophique pour de nombreux restaurateurs, la question semble encore plus prégnante. Selon certains professionnels, le nombre de restaurants dans la capitale serait trop important, notamment sur le créneau des tables étoilées et, par-delà la crise actuelle, un dégraissage naturel apparait comme inéluctable. Le darwinisme culinaire est en marche. 

Dans un tel contexte, on s’étonne de l’arrivée de nouvelles tables claironnées par des communiqués de presse enjoués et prometteurs. Certes, il y est souvent question de concepts de restauration rapide (ce qui ne veut pas dire « mal fait »), de bistrots, de bouillons, ou de brasseries contemporaines, plus rarement de bistronomie – le mot semble en voie d’épuisement -, et encore plus rarement de gastronomie ambitieuse. Là, plus que le mot, c’est l’offre elle-même qui semble en grave déficit dans le bal des ouvertures. Manger bien, rapidement, pour pas trop cher, le tout empaqueté dans un pacte de convivialité et de sincérité, voilà le new deal. 

Alors quand un couple de trentenaires, passé par de très belles maisons, s’en va ouvrir sa propre affaire à Paris, dans le très dynamique onzième arrondissement parisien, on se penche immédiatement sur son positionnement et les petits mots utilisés pour le définir : il est alors question de « néo-gastronomie décontractée et accessible » qui entend « réenchanter l’expérience du restaurant ». Il n’en fallait pas plus pour se convaincre de partir à la découverte d’Erso, « qui signifie ‘vague’ en provençal » explique Marine Bert à un client à la table à côté de la nôtre. En cuisine, Yann Placet s’active pour produire sa « néo-gastronomie », une catégorie aux frontières incertaines qui doit se trouver entre la bistronomie et la gastronomie. 

Reste le juge de paix, l’assiette. À la carte – pas de menu ici -, trois entrées, trois plats, une assiette de fromages et deux desserts. Pas de mise en bouche, on rentre directement dans le vif du sujet avec une très gourmande « sucrine croustillante, riz soufflé, condiment livèche, moutarde violette, pickles de navets, myrtille, ajo blanco » (13€), suivie d’un solide « pithiviers, betterave fumée, palet de céleri-rave confit aux algues, fondue de poireaux aux noisettes, condiment tomates séchées-cacao, sauce betterave-citron » (25€), avant de terminer par d’impeccables « figues rôties, crème praliné, pécan, crumble au thym, glace tonka » (10€). Incontestablement, le chef, qui a fréquenté quelques pointures du milieu (Pic, Savoy, Benallal) avant de prendre sa première place de chef au Pantruche (Paris, 9e arr.), sait cuisiner. Sa « néo-gastronomie » s’est départie de tous les codes ampoulés dont on ne veut plus pour se concentrer sur les goûts, la générosité des portions (une moitié de pithiviers aurait presque était suffisante) et cette envie de bien faire qui fait que chaque table se sent chouchoutée comme il faut. Service rapide mais attentif, carte des vins intelligemment constituée à petits prix, quelques couverts au comptoir qui donnent sur la cuisine ouverte. 

Sucrine croustillante, riz soufflé, condiment livèche, moutarde violette, pickles de navets, myrtille, ajo blanco 
Pithiviers, betterave fumée, palet de céleri-rave confit aux algues, fondue de poireaux aux noisettes, condiment tomates séchées-cacao, sauce betterave-citron

_____

Au final, on ressort d’Erso avec cet agréable sentiment d’avoir été cajolé par le service et câliné par une cuisine qui rassure et réchauffe. Ce soir-là, la salle était pleine d’une clientèle bigarrée, heureuse d’être là, déjà prête à recommander une petite douceur supplémentaire en ces temps incertains. Le câlin, voilà la recette du succès. 

18 rue Saint-Ambroise, Paris (11e arr.) | 01 81 69 96 55 | Fermé dimanche et lundi | 
Lien vers le site Internet

Photographie | Erso, FPR

ABONNEMENT : 48 heures de 46,20€ et c'est du deux pour un !

Vous avez 48 heures pour  profiter de notre offre de réduction de 50% sur l’abonnement annuel Bouillantes (disponible jusqu’au 31 décembre, minuit). Et en plus, comme c’est (encore) Noël, vous prenez un abonnement et vous pouvez en offrir un à un(e) proche. Magique !

Rendez-vous sur la page abonnement de Bouillantes, cliquez sur l’abonnement annuel, puis entrez le code B2026 pour profiter de la réduction. Une fois l’opération réalisée, envoyez un mail à franck@bouillantes.com avec les nom, prénom et mail du +1. Nous lui enverrons un gentil message de votre part.

Lien vers la page abonnement

LES DERNIERS ARTICLES

La marque de chocolats Alléno & Rivoire change de nom

En toute discrétion, la marque de chocolats de Yannick Alléno et d’Aurélien Rivoire a changé de nom il y a quelques jours, faisant disparaitre le nom du chef pâtissier. Bouillantes vous explique pourquoi.

L’huitre et ses amants impossibles

Produit clivant par excellence, l’huître se prête avec délectation à l’accord terre-mer. Les chefs sont très nombreux à le pratiquer, avec plus ou moins d’inventivité. Bouillantes a interrogé trois chefs (plus un, un peu différent) pour comprendre leur approche culinaire très singulière de ce produit iconique.

Le fait maison : Catherine Quérard, présidente du GHR, aurait-elle mangé du clown ?

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi tous les chefs de la nouvelle génération, comme de l’ancienne d’ailleurs, n’ont que faire des gesticulations et des jérémiades des syndicats, que ce soit l’Umih ou le GHR. Ce ne sont pas les prises de position de Catherine Quérard, présidente du GHR, pour la ridiculisation du label fait maison qui va arranger les choses. Clownesque à souhait.

Étoile rouge et service en salle : le Michelin, entre déni et évidence

Alors que le Bibendum demeure arcbouté sur le discours selon lequel seule la qualité de l’assiette entre en ligne de compte pour accorder ses étoiles rouges, les professionnels plaident très largement pour que le Michelin prenne en compte officiellement le service en salle. Ce qui serait déjà factuellement le cas selon certains.

Le chef Matthias Marc quitte le restaurant Substance

C’est un secret de polichinelle qui prend officiellement fin : le chef Matthias Marc va quitter le restaurant Substance (Paris, 16e arr.) à la fin de l’année avec comme prochain objectif d’ouvrir un ambitieux projet en dehors de la capitale.

« Trouver des solutions sans cesse, c’est ça être entrepreneur » : grand entretien avec Christophe Aribert

Depuis 2019, le chef Christophe Aribert dirige sa Maison, à Uriage-les-Bains (38). Profondément engagé dans le respect et la valorisation de son territoire, il a construit un établissement écoresponsable. Il s’exprime sur sa Maison, la place de l’écologie dans son quotidien, mais aussi sur sa propre évolution vers un management respectueux de l’humain.

Jérémy Biasiol, cuisinier résilient en route vers le MOF

Un corps en souffrance, une vie diminuée, voire annihilée. Mais une envie de vivre renouvelée au service d’un projet ambitieux pour mettre un coup de pied dans une fourmilière rarement tendre. Handicapé touchant et touché, mais pas coulé, Jérémy Biasiol se prépare aux épreuves du concours du MOF cuisine. Bien au-delà de son combat solitaire, il a surtout la volonté de porter un double message universel. Portrait d’un cuisinier résilient.

Chère Hélène Darroze, votre silence sur les violences m’interpelle…

Suite à la publication d’un article sur Bouillantes où nous mettions en exergue d’importants dysfonctionnements dans le restaurant doublement étoilé parisien, Marsan, la cheffe Hélène Darroze et sa directrice du développement Christelle Curinier n’ont pas réagi. Une absence de réaction choquante au regard des faits signalés. D’autant plus que ce n’était pas la première fois.

BLA BLA BLA

Portrait d’un chef résilient, qui a tout connu, de l’étoile Michelin à… quatre AVC, une vie abîmée mais une envie folle d’avancer et de montrer que le handicap, ce n’est pas la fin des haricots | Lien vers Instagram

LES TRIBULATIONS DE FPR X BOUILLANTES

DE SALLE À TOI X BOUILLANTES

LA PLATEFORME BOUILLANTES