L’Assiette Champenoise (Tinqueux, 51) : l’émotion renouvelée

Dans le cercle restreint des tables triplement étoilées françaises, l’Assiette Champenoise est régulièrement citée comme l’une des plus excitantes. Dans cette belle ville de Reims toujours plus étoilée, que vaut vraiment cette table dirigée par Arnaud Lallement, lequel peut compter depuis une année sur l’arrivée de son fils, Brice ? Retour d’expérience.

Il ne s’en cache pas vraiment : chaque année, en mars, il stresse. Il dort mal, il se pose des questions, il a peur pour sa troisième étoile. Chaque année également, il appelle le Bibendum pour savoir si tout va bien, s’il n’y a pas eu un « truc » qui n’a pas été à la hauteur. Le guide lui répond qu’il peut dormir sur ses deux oreilles. Mais il ne l’entend que d’une oreille. Arnaud Lallement est ainsi constitué : il avance avec le doute. Et c’est probablement l’une de ses forces. Et pas la seule assurément. Car écrivons-le d’emblée : son Assiette Champenoise constitue l’une des plus belles tables de France. 

Notre dernier diner, en cette mi-avril, a surpassé encore nos anciens repas déjà hauts en émotions. Arnaud Lallement et son équipe ont ce talent rare de marier la quantité et la qualité, la gourmandise et la précision, la générosité et la fidélité des goûts. Tout au long du menu, le mangeur se régale de produits exceptionnels – dont une hallucinante langoustine royale – accompagnés de sauces diaboliques. Aucun temps mort, aucune fausse note, le tout accompagné d’un service avenant, professionnel et joueur à ses heures. Et même quand on croit déceler un plat chichiteux à l’oeil – le « Vol au vent, crème poulette », il suffit d’une seule bouchée pour comprendre que cette Assiette survole son art comme jamais, synthétisant les sens et l’essence d’un savoir-faire. Et que dire de ce « Mulet de Bretagne, crudo » qui balance un assaisonnement percutant et envoutant ? Qu’il est l’oeuvre du fils, Brice Lallement, appelé à prendre, un jour (il y a le temps…), la succession d’un père qui a plus que rempli sa promesse qu’il avait lui-même fait à son père, parti très vite, trop vite : faire de l’Assiette Champenoise une belle table (familiale) étoilée. Cette table-là atteint plus que jamais des sommets. 

Qu’Arnaud Lallement continue de stresser, de douter, de ne pas tout à fait dormir sur ses deux oreilles. Car pour nous, mangeurs, cela se traduit par des repas d’une rare intensité et d’une émotion sans cesse renouvelée. Avec, à peine la porte franchie, l’envie, déjà, d’y revenir.

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Photographie | @audexcom

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