Décès du chef étoilé Serge Vieira 

Le chef Serge Vieira, à la tête du restaurant doublement étoilé de Chaudes-Aigues (Cantal), vient de décéder d’une longue maladie.

Le chef Serge Vieira, à la tête du restaurant éponyme situé à Chaudes-Aigues (Cantal) vient de décéder des suites d’une longue maladie. Né en 1977 à Clermont-Ferrand, il se tourne rapidement vers la cuisine. À 20 ans, alors qu’il fait son apprentissage chez Dominique Robert à Chamalières (Puy-de-Dôme), il remporte son premier concours, celui du « Meilleur jeune cuisinier Auvergne-Québec ». Huit années plus tard, son âme de compétiteur le mènera à la victoire du très prestigieux Bocuse d’Or en 2005. Entre les deux épreuves, il enchaîne les expériences chez Bernand Andrieux à Clermont-Ferrand, puis il fait une saison au Château de Marçay à Chinon (Indre-et-Loire) où il rencontre Marie-Aude, qui deviendra quelques années plus tard sa femme. En 1999, il entre comme chef de partie chez Marc Meneau à l’Espérance, table alors triplement étoilée de Saint-Père-sous-Vezelay (Yonne). Il y restera quatre années, avant de rejoindre en 2003 le chef Régis Marcon à l’Auberge des Cimes, à Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire). C’est d’ailleurs grâce à lui que le chef d’origine portugaise se lance dans l’aventure du concours. Alors qu’il pensait quitter l’établissement, dans lequel il ne se sentait pas à l’aise, Régis Marcon, intelligemment, lui lance un défi : passer le Bocuse d’Or. Serge Vieira accepte le défi, avec le succès qu’on connait. Il profite de l’aura de cette victoire pour partir voyager à travers le monde : Australie, Japon, île Maurice…

Les grandes dates de Serge Vieira

1999 – 2003 | Chef de partie à l’Espérance (Saint-Père-sous-Vezelay)

2003 – 2005 | Second de cuisine au restaurant l’Auberge des Cimes, du chef Régis Marcon (Saint-Bonnet-le-Froid)

2005 | Serge Vieira remporte le Bocuse d’Or à l’âge de 27 ans

2009 | Serge Vieira et sa femme Marie-Aude ouvrent leur restaurant à Chaudes-Aigues, au Château du Couffour

2010 | Première étoile au guide Michelin

2012 | Deuxième étoile au guide Michelin

2018 | Ouverture de Sodade, restaurant bistronomique situé dans le village de Chaudes-Aigues, ainsi qu’un hôtel. 

2019 | Bib Gourmand pour le restaurant Sodade

2021 | Prix Michelin du service en salle remis à Marie-Aude Vieira

2023 | Décès de Serge Vieira à l’âge de 45 ans

En 2009, il ouvre son propre établissement, au sein du Château du Couffour, situé sur les hauteurs de Chaudes-Aigues. Dès son ouverture, la quasi-totalité des inspecteurs du guide Michelin se rendent chez lui et tombent sous le charme d’une cuisine technique et précise. Il est déjà noté à un niveau ‘deux étoiles’. Quelques mois après son ouverture, le restaurant gagne une première étoile. La deuxième tombera en 2012. Par la suite, Serge Vieira s’investira régulièrement dans le concours du Bocuse d’Or pour lequel il coachera différentes équipes, avant de devenir le président de la Team France en 2019, prenant la suite de François Adamski. En 2021, le candidat français, Davy Tissot, remporte la compétition mondiale. 

Après une longue période de fermeture, le restaurant doublement étoilé a rouvert ses portes en mai dernier avec, derrière les fourneaux, son second de cuisine. Serge Vieira était âgé de 46 ans. 

Ce qu’écrit le guide Michelin sur le restaurant Serge Vieira

Natif de Clermont-Ferrand, Serge Vieira se destinait à une carrière de dessinateur industriel, avant de se réorienter vers la cuisine. Bonne pioche : après avoir observé et appris dans des maisons de renom (Dominique Robert, Régis Marcon), il remporte le Bocuse d’Or en 2005. Dans son vaisseau contemporain – pierre, fer et verre – niché dans une forteresse médiévale, avec une vue à 360° sur les alentours, il joue dans la cour des grands. Ses assiettes, élaborées au quart de poil, sont savamment composées, et sa technique ne prend jamais le pas sur le goût. Ah, une dernière chose : les plus fatigués d’entre vous pourront même réserver une chambre, avec vue imprenable sur les monts du Cantal.


Serge Vieira, pourquoi s’être installé à Chaudes-Aigues ?

Cet article a été publié sur le site Atabula en 2020

L’adage voudrait que derrière chaque grand homme il y ait une femme. Dans la seule adresse doublement étoilée du Cantal et repensée de toute pièce depuis son acquisition, Serge et Marie-Aude Vieira, eux, travaillent de concert. Pour le lancement du guide Michelin 2020, c’est d’ailleurs elle qui eut la chance de monter sur scène, récompensée du prix 2020 du service par le Bibendum. Comment et pourquoi s’être installé ici ? Réponse avec le chef des cuisines.

« Le projet d’ouverture de notre restaurant a commencé en 2006 pour finalement voir le jour en 2009. À l’époque, j’étais sous-chef à Saint-Bonnet-le-Froid, chez Régis Marcon, et je venais de remporter le Bocuse d’or. Le chef m’avait alors conseillé de m’installer si je voulais profiter de l’impact médiatique que pouvait m’apporter cette récompense. Nous avions déjà cela en tête avec ma compagne, mais nous comptions le faire plus tard, quand nous aurions environ trente ans (le chef n’avait que 27 ans à l’époque, NDLR). Nous avons donc commencé nos recherches, visité des lieux extraordinaires, mais pour lesquelles nous n’avions pas les moyens. Un jour, alors que nous avions arrêté de chercher, une personne de Cantal Expansion, qui aide les entreprises à s’installer dans le département, nous a contactés pour comprendre nos critères. Deux semaines plus tard, elle nous proposait le château du Couffour. Dans notre cahier des charges, il était important que ça ne soit pas un restaurant, nous ne voulions pas reprendre un projet après quelqu’un, car j’avais peur de la comparaison. À notre première visite, le brouillard à couper au couteau nous cachait la vue et nous a laissés dubitatifs. C’est en faisant une balade dans le coin quelques mois plus tard, au beau milieu du printemps, que nous sommes retournés voir le lieu avec une vue dégagée. Cela correspondait parfaitement à l’axe dans lequel nous voulions nous installer : des fleurs avaient poussé, la vue était incroyable… Nous avons donc repris contact et trouvé un montage public-privé pour ouvrir le restaurant. À partir de ce moment-là, nous avons lancé toute la rénovation du corps de logis pour n’en garder que l’enveloppe puis y intégrer des chambres qui sont maintenant reliées à l’extension par un tunnel. Aujourd’hui, tout est sur un unique niveau, mis à part les quatre chambres. Des travaux sont encore en cours, mais ils prennent du temps car le site est placé au patrimoine historique.

Dès le départ, notre but était de travailler à la campagne, dans la continuité de mon histoire personnelle, puisque j’ai évolué chez Marc Meneau, Régis Marcon et au Château de Marçay, en pleine campagne près de Chinon. Je n’ai jamais choisi la facilité, et j’ai toujours considéré qu’il était beaucoup plus simple d’être visible quand nous n’étions pas au beau milieu de la foule. En ville, combien de chefs sont installés les uns à côté des autres ? Je savais que j’allais beaucoup apprendre. Évidemment, nous avons fait une étude qui montrait bien qu’il n’existait que très peu de restaurants de ce calibre dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Je me suis aussi basé sur mon expérience. Beaucoup de grands restaurants sont installés dans des endroits « difficiles » : ils y étaient arrivés, alors pourquoi pas moi ? Et puis, il y a aussi eu une part d’inconscience, d’insouciance, qui nous a aidé dans le projet. On y croyait, et on savait ce qu’on voulait faire. En tout cas, je refusais de me dire que c’était impossible avant d’avoir essayé. 

La grande surprise a été que le restaurant fonctionne dès le départ, même si nous avions longuement communiqué sur notre installation. Il a donc fallu rapidement recruter de nouvelles personnes. Encore aujourd’hui, tout va pour le mieux, avec une clientèle française à 80%, ce qui est génial puisque ce sont des gens qui reviennent généralement plusieurs fois dans l’année, c’est une fierté. Ce succès est en partie dû au paysage et à cette région dont je suis tombé amoureux. Nous sommes en Auvergne et pourtant on se croirait en Nouvelle-Zélande. Quand j’étais petit, depuis ma chambre à Clermont-Ferrand, j’avais la vue sur les volcans et l’envie de revenir à mes origines s’est faite ressentir. Maintenant, ma cuisine est basée sur ce terroir et les produits locaux qui poussent ou sont cultivés pour la plupart sur des coulées de lave.

S’installer en Auvergne signifiait aussi ne pas être trop proche d’autres étoilés et ne gêner personne. Il n’y avait jamais eu de restaurants deux étoiles dans le Cantal. Nous avons récemment ouvert Sodade dans le village avec la même démarche : ne pas concurrencer, mais au contraire apporter de la diversité et dynamiser le département. »


PratiqueSite du restaurant Serge Vieira

Photographie | DR

LES DERNIERS ARTICLES

Alain Llorca (Restaurant Alain Llorca, 06) : « Je maintiens la qualité mais j’augmente l’accessibilité grâce au paiement en plusieurs fois »

En proposant un règlement en trois fois sans frais du repas consommé dans son restaurant de Saint-Paul-de-Vence (06), le chef Alain Llorca bouscule le principe du règlement immédiat. Est-ce un choix bien raisonnable, n’existe-t-il pas un danger pour les clients de repartir avec un crédit sur le dos ; n’est-ce pas délicat en termes d’image pour le restaurant ? Alain Llorca répond à toutes ces questions bouillantes.

L’addition en trois fois sans frais : carte vitale ou mort à crédit ? 

En proposant de payer son repas en trois fois sans frais, à l’image d’un classique crédit à la consommation pour s’offrir une voiture ou un canapé, le chef Alain Llorca, à la tête du restaurant étoilé éponyme, bouscule totalement les us et coutumes du secteur. Piste salutaire pour contrecarrer une baisse du chiffre d’affaires ou voie de garage qui ressemble à une mort à crédit ?

Sondage : 87% des votants contre l’idée du repas à crédit

En période de vaches maigres, il faut parfois imaginer des solutions nouvelles pour essayer de sortir la tête de l’eau. Un chef étoilé français va proposer à ses clients de payer leur repas en trois fois sans frais pour remplir sa table. Le repas à crédit ? Une mauvaise idée selon notre sondage.

Le 50 Best récompense Mostafa Seif, chef pro-Hamas qui ne reconnait pas l’existence d’Israël

Dans sa batterie de récompenses annuelles, le 50 Best Restaurants a récemment honoré Mostafa Seif, chef d’un restaurant situé en Egypte, du prix One to Watch. Or celui-ci a posté sur Instagram un message niant l’existence de l’Etat d’Israël quelques jours seulement après les attaques du 7 octobre 2023. Contactée par Bouillantes, l’attachée de presse du 50 Best Restaurants ne voit pas où est le problème.

Florent Ladeyn : « Ma nature n’est pas d’être spectateur de la bêtise sans tenter d’expliquer à un fou qu’il est fou »

Suite à l’annonce de la fermeture de Bisteack, restaurant situé à Béthune (62), le chef Florent Ladeyn a subi une vague d’attaques personnelles et professionnelles. L’homme, qui n’est pas du genre à « rester assis et tendre la joue gauche, s’est fendu d’un long message sur son compte Facebook. Un texte aussi clair que vigoureux, particulièrement salutaire en ces temps où chacun se rêve en justicier blanc derrière leur écran noir. Bouillantes a décidé, avec l’accord de son auteur, de publier l’intégralité du texte.

“Oui chef·fe !” : l’intégration par imitation

Le fameux « Oui chef.fe » a encore cours dans la plupart des cuisines des restaurants français. Une expression qui en dit long sur le métier, sur ses codes et qui dépasse de loin les seuls savoir-faire. Doit-elle désormais tourner court ?

Tanguy Laviale (Ressources, Bordeaux) : « Ce n’est pas l’ordre qui crée la performance, c’est l’adhésion »

Dans un milieu encore largement marqué par la hiérarchie militaire, les violences symboliques et la compétition effrénée, Tanguy Laviale fait figure d’exception. À la tête du restaurant bordelais Ressources, il a choisi une autre voie : celle de l’horizontalité, du respect, et du management « durable ». Entretien sans détour avec un chef qui refuse d’en être un.

Quand le restaurant se rêve en nouveau théâtre national populaire

L’avenir de la gastronomie française passe-t-il par sa démocratisation ? À l’image du théâtre populaire ou de la culture pour tous prônés par Jean Vilar et André Malraux au siècle dernier, le restaurant gastronomique se rêve lui aussi accessible à tous… pour survivre.

Les « menus vidéos » : le restaurant à l’heure de la food porn agueusique

Si tu ne sais pas quels plats choisir, mate-toi les vidéos, ça t’aidera à te décider. Mieux que les intitulés des plats, la société Sunday propose un nouveau service : présenter aux clients des petits films sur leur téléphone pour montrer les assiettes et « déclencher l’envie ». Après les réseaux sociaux et la porn food, le restaurant rentre à son tour dans la pornographie. Le danger est énorme. Décryptage.

« Cuisines ouvertes de la gastronomie française » : une initiative pour plus de transparence en restauration très discutable

Jamais l’actualité n’a été aussi riche du côté de la transparence dans les cuisines des restaurants français. Des affaires qui sortent, la publication d’un livre sur les violences, des initiatives en tout genre pour favoriser le dialogue et former les équipes : le côté sombre de la restauration prend la lumière, grâce à des événements comme « Cuisines ouvertes de la gastronomie française ». Sauf que, désormais, certains se rachètent une virginité à peu de frais.

Liste des métiers en tension : une patate chaude qui ne fait pas consensus

Le Journal officiel a publié jeudi 22 mai la liste « des métiers en tension ». Celle-ci diffère d’une région à une autre en fonction de différents critères. Le secteur de la restauration crie son incompréhension, et il n’est pas le seul. Les syndicats hésitent entre le verre à moitié plein et vide, et le restaurateur Stéphane Manigold apporte un point de vue… disruptif.