Sillon (Biarritz) : label culinaire indépendant

Ouvert en 2021 dans une discrète rue biarrote, le restaurant Sillon trace son « chant » culinaire sans le crier à tue-tête. Son chef, Mathieu Rostaing-Tayard, y propose une cuisine engagée, ni punk, ni classique. Que vaut ce Sillon ? Bouillantes a creusé la question.

Sans trop savoir pourquoi, nous nous attendions à un restaurant un peu punk, fripon, un peu de traviole, où l’on se laisse aller au comptoir à commander des assiettes et des quilles, jusqu’à ne plus trop savoir compter. En rentrant dans ce Sillon biarrot – le chef possède également un établissement à Lyon qui devrait d’ailleurs s’agrandir d’ici peu -, nous avons senti que le punk ne se serait pas au rendez-vous.  

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Nichée dans une petite rue discrète de Biarritz, le tout aussi discret Mathieu Rostaing Tayard a manifestement plutôt opté pour une esthétique « gastro » : cadre contemporain feutré, tables en joli bois espacées comme il faut, éclairage discret et tamisé, livres sur les étagères, quelques fleurs suspendues. On se croirait dans un appartement dans lequel le chef a mis sa patte avec retenue mais avec attention. C’est bien sûr dans l’assiette qu’il faut se concentrer pour jauger ce chef quadra au riche parcours : demi-chef de partie au Sketch à Londres en 2003 ; chef de partie au Hameau Albert 1er, à Chamonix, de 2006 à 2006 ; chef au 126, à Lyon, pendant trois années ; petite balade pendants quelques mois chez Massimo Bottura en Italie, puis chez Virgilio Martinez à Lima ; supervision d’une douzaine de restaurants en 2013 autour de Lyon ; ouverture de Café Sillon à Lyon en 2014, puis de Sillon à Biarritz en 2021. Celle-ci est plutôt réussie, voire très réussie, lisible et goûteuse, faussement minimaliste, terroiriste engagée. Les « tempura de haricots verts, sauce pil pil, livèche et poudre d’algues » donnent le la d’un repas où l’on sent immédiatement la maitrise technique et la justesse de la construction de chaque proposition. Après une provocante et suave brochette de « coeurs de canard kriaxera, pâte de noix verte, poutargue », le repas enchaine sur un exceptionnel « rouget de Saint-Jean-de-Luz au vinaigre, poivron rouge fumé au bois de figuier, safran et herbes marines » : un petit sommet d’émotion concentré en quelques bouchées où la qualité du poisson, servi cru, reflète l’approche globale du repas. À chaque proposition du menu dégustation (85€), l’équipe en cuisine a glissé ce petit plus qui magnifie les six services proposés, y compris un envoutant dessert, « prunes, noisettes, café et fleur de fenouil ». 

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Coeurs de canard kriaxera, pâte de noix verte, poutargue

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Seiche à la braise, purée de pois chiche, moutarde et feuilles de citronnier

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Turbot de Capbreton, courge, ajimango, girolles et miso de lentilles

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Prunes, noisette, café et fleur de fenouil

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De cette cuisine lisible, riche de ses jus courts et de ses jolis produits, il ressort ce sentiment d’un habile mélange des écritures, où l’on décèle parfois un esprit tapas au service d’une belle gastronomie, « décomplexée » comme on dit aujourd’hui. C’est un peu comme si les codes du Fooding et du Michelin avaient été passés au shaker pour faire émerger un cocktail pas vraiment singulier, mais certainement pas sans intérêt. 

La vivacité, l’engagement et la liberté des assiettes contribuent à faire d’un repas chez Sillon un très agréable moment, d’autant plus que la carte des vins, plutôt resserrée, propose de jolies bouteilles à différents prix. Service jeune et souriant à l’accent anglais, clientèle à l’image du lieu. Pas punk le Sillon, pas classique non plus ; plutôt une proposition rythmée par un label culinaire indépendant qui, sans révolutionner le genre, produit les étincelles de la juste émotion. 

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Sillon | 4 rue Jean-Bart, Biarritz (64) | 05.59.24.76.08 | Lien vers le site Internet 

Photographies | FPR

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Portrait d’un chef résilient, qui a tout connu, de l’étoile Michelin à… quatre AVC, une vie abîmée mais une envie folle d’avancer et de montrer que le handicap, ce n’est pas la fin des haricots

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