Qui n’a pas entendu ses parents répéter à l’envi et avec la petite pointe d’énervement qui va avec : « Mets la table s’il te plait ! ». Mettre la table, une expression pas si ancienne que ça puisqu’il fut un temps où les doigts suffisaient pour saisir notre pitance. Or, l’expression « Mets un doigt » n’a que peu à voir avec la chose culinaire, contrairement à l’obligation commune de se laver les mains. Bref, gardons le cap : mettre la table, c’est y poser des ustensiles qui vont contribuer au déroulé du repas.
Le livre Histoire des Couverts ne se contente bien évidemment pas de nous dire que couteau, cuillère et fourchette n’ont pas toujours existé. S’il retrace leur arrivée sur nos tables, l’ouvrage de Pascal Reigniez, qui fut chercheur au CNRS, les replace dans un contexte plus large, qui mêle sociologie, économie et alimentation. C’est notre gastronomie et notre façon même de se « mettre à table » qui évoluent au contact notamment de la fourchette, arrivée de Venise en France dans les bagages d’une aristocrate byzantine. Ainsi, l’auteur développe cette idée que la fourchette, reprenant les thèses du sociologue Norbert Elias, a renforcé notre individualisme face à l’assiette, contribuant ainsi l’émerge de « l’homme moderne » tel que développé par ce dernier.
En huit chapitres (histoire des ustensiles, évolution des matériaux, disposition des couverts, équipement des cuisines et rôle des cuisiniers, les nouveaux domaines liés à la gastronomies, etc.), Pascal Reigniez propose un regard large et précis sur nos couverts. Passionnant.
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Histoire des couverts | De Pascal Reigniez | Ed. Actes Sud | Avril 2024 | 20€