Beyond steak en restauration : quand le Sirha déroule le tapis rouge sang du « sans »

Dans la grande foire agro-industrielle qu’est le Sirha, il est possible pour la première fois de goûter du « Beyond chicken style » et du « Beyond steak », de la viande sans viande qui débarque en restauration collective et commerciale début février. Derrière la seule dimension technologique qui a déjà de quoi faire peur, les dangers du « faux » sont immenses.

Dans une industrie qui promeut en apparence le vrai, voilà que le faux débarque en grandes pompes. Un faux privatisé qui pourrait faire fureur. Et quoi de mieux que le Sirha, ce salon du « food service » qui incarne tous les travers du secteur, pour lui dérouler le tapis rouge ? Un tapis rouge « sans » en apparence, mais un tapis rouge sang si l’on y regarde de plus près.  

Dans un communiqué de presse en date du 24 janvier, la société américaine, notamment vantée par la cheffe Dominique Crenn, annonce l’arrivée sur le marché français, en restaurations collective et commerciale de son steak sans viande : « Une innovation, conçue pour offrir une bouchée juteuse, tendre et délicieuse, le Beyond Steak, sera apprécié par les amateurs de viande, flexitariens et végétariens. Encensé par les critiques et récompensé à l’international, le Beyond Steak est parfait pour les restaurateurs qui veulent diversifier leur carte avec des options végétales et proposer un bœuf bourguignon, un poké bowl ou encore un burrito à base de plantes. »

Parce que rien n’est naturel ici, de l’identité même du produit jusqu’à son marketing, on ne parle pas ici d’un simple steak, nom commun générique, mais du « Beyond steak », appellation protégée par le droit des marques : quand la nourriture se « technologise », elle se privatise. Nous regrettions, avec une pointe d’ironie, il y a quelques jours sur Bouillantes la tendance du name-dropping ; nous déplorons plus encore cette terrifiante dérive de notre alimentation qui n’a plus rien de futuriste. Quel est le propre d’une société commerciale dans laquelle des investisseurs ont injecté des millions de dollars ? Inonder le marché de ses produits, tuer la concurrence « dans l’oeuf » et remplacer le vieux marché traditionnel de la vraie viande par son ersatz technologique. Toute la panoplie de la communication est déjà en place depuis longtemps, avec des arguments chocs : pollution due aux animaux, bien-être animal, etc. Les liens entre certaines associations de défense des animaux et activistes capitalistes de la viande sans viande ont été prouvés depuis longtemps. Le lobbying pour déstabiliser une filière historique et favoriser l’émergence d’un nouveau marché n’est pas une lubie de viandards conventionnels mais une vérité terrifiante. 

Dès maintenant, les restaurateurs français peuvent acheter tous les produits « Beyond meat » chez Metro, Costco, Creta Gel, SDV et autres distributeurs spécialisés. Certains n’y verront qu’une extension bienvenue des alternatives à la viande, la vraie. D’autres, plus sceptiques, estimeront que celle-ci cache en réalité un mouvement inéluctable du capitalisme technologique qui consiste à gagner sans cesse des parts de marché, jusqu’à passer en situation oligopolistique, puis monopolistique. Que se passera-t-il quand, demain, la vraie viande changera de statut, qu’une série de lois – poussée bien évidemment par les sociétés comme Beyond Meat – viendra limiter fortement la possibilité de faire commerce de celle-ci, au profit d’une « viande » prétendue aussi « goûteuse et délicieuse, respectueuse de la planète et sans cruauté envers les animaux » pour reprendre les arguments de Laure Durand, directrice des ventes de Beyond Meat en France ? La privatisation de notre alimentation aura gagné et le consommateur aura tout perdu. Le faux nous sera imposé car le vrai nous sera interdit. Et bien sûr, le Sirha, rouleau compresseur de l’agro-industrie, est fier de dérouler le tapis rouge sang du « sans » à de tels pourfendeurs de l’artisanat et de l’alimentation du vrai. Sans que cela ne semble déranger personne dans les travées du salon.

_

PratiqueLien vers le site de Beyond Meat | Lien vers le site du Sirha
Photographie | Llio Angharad

EN VIDÉO

Portrait d’un chef résilient, qui a tout connu, de l’étoile Michelin à… quatre AVC, une vie abîmée mais une envie folle d’avancer et de montrer que le handicap, ce n’est pas la fin des haricots

LA PLATEFORME BOUILLANTES SUR INSTAGRAM

LE TOP 3 DES ARTICLES LES PLUS LUS

ABONNEMENT

Abonnez-vous au seul média indépendant et quotidien de la food

Tous les matins, recevez La Bouillantes de 8h30 dans votre boite mail.

Abonnez-vous en suivant ce lien

LES DERNIERS ARTICLES

La marque de chocolats Alléno & Rivoire change de nom

En toute discrétion, la marque de chocolats de Yannick Alléno et d’Aurélien Rivoire a changé de nom il y a quelques jours, faisant disparaitre le nom du chef pâtissier. Bouillantes vous explique pourquoi.

L’huitre et ses amants impossibles

Produit clivant par excellence, l’huître se prête avec délectation à l’accord terre-mer. Les chefs sont très nombreux à le pratiquer, avec plus ou moins d’inventivité. Bouillantes a interrogé trois chefs (plus un, un peu différent) pour comprendre leur approche culinaire très singulière de ce produit iconique.

Le fait maison : Catherine Quérard, présidente du GHR, aurait-elle mangé du clown ?

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi tous les chefs de la nouvelle génération, comme de l’ancienne d’ailleurs, n’ont que faire des gesticulations et des jérémiades des syndicats, que ce soit l’Umih ou le GHR. Ce ne sont pas les prises de position de Catherine Quérard, présidente du GHR, pour la ridiculisation du label fait maison qui va arranger les choses. Clownesque à souhait.

Étoile rouge et service en salle : le Michelin, entre déni et évidence

Alors que le Bibendum demeure arcbouté sur le discours selon lequel seule la qualité de l’assiette entre en ligne de compte pour accorder ses étoiles rouges, les professionnels plaident très largement pour que le Michelin prenne en compte officiellement le service en salle. Ce qui serait déjà factuellement le cas selon certains.

Le chef Matthias Marc quitte le restaurant Substance

C’est un secret de polichinelle qui prend officiellement fin : le chef Matthias Marc va quitter le restaurant Substance (Paris, 16e arr.) à la fin de l’année avec comme prochain objectif d’ouvrir un ambitieux projet en dehors de la capitale.

« Trouver des solutions sans cesse, c’est ça être entrepreneur » : grand entretien avec Christophe Aribert

Depuis 2019, le chef Christophe Aribert dirige sa Maison, à Uriage-les-Bains (38). Profondément engagé dans le respect et la valorisation de son territoire, il a construit un établissement écoresponsable. Il s’exprime sur sa Maison, la place de l’écologie dans son quotidien, mais aussi sur sa propre évolution vers un management respectueux de l’humain.

Jérémy Biasiol, cuisinier résilient en route vers le MOF

Un corps en souffrance, une vie diminuée, voire annihilée. Mais une envie de vivre renouvelée au service d’un projet ambitieux pour mettre un coup de pied dans une fourmilière rarement tendre. Handicapé touchant et touché, mais pas coulé, Jérémy Biasiol se prépare aux épreuves du concours du MOF cuisine. Bien au-delà de son combat solitaire, il a surtout la volonté de porter un double message universel. Portrait d’un cuisinier résilient.

Chère Hélène Darroze, votre silence sur les violences m’interpelle…

Suite à la publication d’un article sur Bouillantes où nous mettions en exergue d’importants dysfonctionnements dans le restaurant doublement étoilé parisien, Marsan, la cheffe Hélène Darroze et sa directrice du développement Christelle Curinier n’ont pas réagi. Une absence de réaction choquante au regard des faits signalés. D’autant plus que ce n’était pas la première fois.

Fabrice Idiart (Le Moulin d’Alotz, 64) : « Ma table passe en 100% végétal »

Le chef Fabrice Idiart, à la tête du Moulin d’Alotz (Arcangues, 64) depuis sept ans, a décidé de faire évoluer son offre. En 2023, il avait supprimé la viande ; l’an dernier, c’était le tour des fruits de mer. Décembre 2025, le poisson quitte également la carte. La table devient 100% végétale. Explications avec Fabrice Idiart.

Ras-le-bol des calendriers de l’avent gourmands

Il y avait les bûches et les galettes et, désormais, il y a les calendriers de l’avent. Pas un jour sans recevoir un mail, voire plusieurs, pour vanter ces créations commerciales qui proposent neuf fois sur dix de vous enfiler chaque jour dans le gosier une atrocité culinaire en petit format. 31 cases, 31 doses : ces calendriers ressemblent à une opération festive de mithridatisation au service de l’industrie agroalimentaire.

LA PLATEFORME BOUILLANTES