Gault et Millau ou les errements d’un guide qui désespère la profession

Un simple sondage lancé sur Instagram par Bouillantes a montré toute la défiance d’une profession vis-à-vis du Gault et Millau. Des dizaines de messages ont souligné les errements d’un guide incapable de corriger ses erreurs pourtant anciennes et grossières, du restaurant référencé mais pas visité jusqu’aux pratiques douteuses de l’agence Com En Régions qui fait payer les chefs.

Nul doute que la Maison de la Mutualité (Paris, 5e arr.) affichera complet le 17 novembre prochain pour entendre les noms des lauréats des trophées Gault et Millau 2026. Les occasions de se retrouver entre professionnels ne sont pas assez nombreuses pour les boycotter. Et puis les cuisiniers n’en sont pas à un paradoxe près. Pourtant, à de très rares exceptions, en off, pas un chef aujourd’hui ne défend le Gault et Millau, ce guide jaune qui ne cesse de s’abîmer au fil des années. Les différents rachats, jusqu’au dernier réalisé par la banque publique russe VTB, et les promesses financières qui vont avec, n’ont rien changé. Pire, on a ce sentiment qu’il fait exprès de se dévaloriser un peu plus encore en cumulant les boulettes puantes : en septembre 2024, la nomination de Nhome (Paris, 1er arr.) comme « table de la semaine » alors que le restaurant du chef Matan Zaken est au coeur d’un scandale de « management toxique » ; plus récemment, un licencié du guide met en avant Jean Imbert, lui aussi accusé de violences physiques. Contacté sur ces différents sujets, le directeur du guide Nicolas Molina n’a jamais répondu. 

En revanche, de nombreux professionnels ont répondu, en message privé, à notre récent sondage sur la justesse de noter différemment les restaurants avec ou sans carte. Et les propos ont dépassé de très loin le sujet. Comme le résume un chef français qui travaille à l’étranger, « c’est un choix stupide mais qui s’inscrit dans la continuité des actions du Gault et Millau. » Tous les reproches y passent ou presque. Il y a l’incapacité du guide à visiter réellement les tables recensées. Lors du rachat par les investisseurs russes, représentés alors par Vladislav Skvortsov, le nouveau président du guide, Jacques Bally (ex-patron de la branche formation et conseil du groupe Ducasse) avait promis de réduire la voilure de la sélection pour éviter cela. Est-ce le cas aujourd’hui ? Oui et non. Il y a quelques années, la station de Val d’Isère n’avait pas pu être « visitée » par Marc Esquerré. Conséquence : aucune table n’était référencée. D’autres tables, pourtant étoilées dans le guide Michelin, n’apparaissent pas dans le « jaune », à l’instar du Feuillée – Le Couvent des Minimes (Mane, 04) tenu par le chef Louis Gachet. Mais, dans le même temps, certains restaurateurs se plaignent d’être référencés mais avec un texte qui date de plusieurs années, mentionnant des plats qui ne sont plus à la carte depuis des lustres. Le jaune devrait prendre exemple sur le rouge : celui-ci supprime les plats cités après quelques mois pour éviter ce reproche.

Mais il y a bien plus grave selon de nombreux chefs qui ne cachent pas leurs interrogations sur les liens entre le directeur des enquêtes et certains restaurateurs. Récemment, un cuisinier a déménagé sa table près d’un « chef ami de Marc Esquerré ». « Comme par hasard, notre note a été descendue de deux points alors que notre cuisine est exactement la même (…) C’est vraiment difficile de penser que le jugement a été fait avec sincérité. » Ce témoignage est loin d’être le premier reçu sur ce sujet de la connivence et des petits arrangements entre amis. Dans les Alpes, la proximité entre Marc Esquerré et Marc Veyrat est de notoriété publique. Ne pas être ami avec l’homme au chapeau noir n’aidait pas à faire monter sa note au Gault et Millau. Reste la cerise sur le gâteau : selon de nombreux témoignages, le référencement et la note pourraient dépendre de l’engagement financier du restaurant. Malin, le Gault et Millau a délégué la tâche à une agence de communication, Com En Régions. Bouillantes a contacté l’une de ses commerciales qui a reconnu, après avoir expliqué la gratuité du référencement national, qu’apparaitre dans l’édition locale, en achetant bien sûr un espace publicitaire, peut « aider » à entrer dans l’édition France (lire notre article « Payer pour l’édition locale, ça peut aider pour être référencé au national » : propos d’une commerciale mandatée par le Gault et Millau). Une subtilité de langage qui fait toute la différence au service d’un guide plus que jamais contesté par toute une profession, notamment la nouvelle génération, avide de sens et de sincérité.

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PratiqueLien vers le dossier Gault et Millau France 2026
Photographie | Sandrine Kauffer

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