Du détergent dans une brioche : intoxication alimentaire chez Faubourg Daimant (Paris, 10e arr.)

En décembre 2024, un couple de clients a rapidement quitté le restaurant Faubourg Daimant dirigé par Alice Tuyet pour courir aux urgences. En cause, une brioche couverte de détergent servie au moment du dessert. Le restaurant n’a pas oublié de faire quand même payer l’addition, et le client de porter plainte.

Il y a parfois dans la vie des hasards troublants. Le média Bouillantes publiait le 11 décembre dernier un article intitulé « Alice Tuyet, ses ‘croquettes cochonnes’ de Faubourg Daimant (Paris, 10e arr.) et le jeu des sept erreurs du respect des règles sanitaires » où nous analysions une vidéo postée sur les réseaux sociaux par la « directrice créative » du restaurant. Pour ce faire, un spécialiste de la qualité alimentaire était interrogé, lequel soulevait de nombreux problèmes. Bien évidemment, les réactions à cet article furent nombreuses et le clan pro-Tuyet ne pu s’empêcher d’hurler au complot. Une journaliste, Déborah Pham, co-fondatrice du magazine Mint, criait même qu’un tel article était inacceptable. Une réaction d’autant plus étonnante qu’elle avait déjà, à l’époque, connaissance de l’intoxication alimentaire chez Faubourg Daimant. 

Une intoxication, et pas des moindres. Un client, qui souhaite conserver l’anonymat, a déjeuné avec une amie, début décembre, au restaurant situé dans le dixième arrondissement parisien. Au moment du dessert, la « brioche perdue, crème de maïs, pop corn, caramel » se révèle immangeable. « Dès la première bouchée, nous avons eu un goût horrible qui, heureusement, nous a forcés à cracher le morceau » raconte l’une des deux victimes. Les desserts sont rapportés en cuisine. Le couple, victime de douleurs intenses au niveau de la cavité buccale, tente un café pour passer à autre chose, mais, les douleurs étant trop intenses, opte pour un départ précipité à l’hôpital. Des excuses ? « Le personnel s’est à peine excusé alors qu’il voyait bien que nous étions mal en point. Quant à Alice Tuyet, qui n’était pas loin, elle n’a même pas levé la tête à un seul moment. » Contactée par Bouillantes, elle confirme sa présence le jour de l’incident. Quant à l’addition, elle fut également douloureuse : « Au regard de la situation, il nous aurait semblé normal que nous ne payions pas notre repas, on parle ici d’un repas de moins de 100€, pas d’un grand diner gastronomique. Eh bien non, ils ont fait une réduction sur l’addition, rien de plus. » 

Le détergent qui a coulé sur les brioches

Une fois les clients partis aux urgences, le restaurant, qui a du faire sa petite enquête, en conclut rapidement à la présence de détergent dans le dessert. Une photo est prise (ci-dessus) et envoyée par SMS pour permettre au corps médical d’identifier la nature et l’ampleur du danger. Le médecin constate des lésions sur la langue et les gencives, et conseille de porter plainte. Au regard de la gravité de la situation et du danger potentiel, le duo décide donc de ne pas en rester là. Conformément à la procédure, un signalement est réalisé sur le site SignalConso. Ce qui permet, avant saisine des autorités judiciaires, de créer un échange avec le restaurant visé. Lequel répondra via Christian Stori, cofondateur de Faubourg Daimant. « Nous accordons une importance primordiale à la qualité de nos produits ainsi qu’à la santé et la sécurité de nos clients. Après analyse, nous avons constaté que cet incident, lié à la préparation de votre brioche perdue, résultait d’un acte isolé causé par la défaillance technique de notre four. Une fuite, non détectée le matin de votre venue, a malheureusement entrainé la mise en contact accidentelle de produit de lavage avec la brioche qui vous a été servie ». Passons sur l’utilisation erronée du terme « acte » qui n’a pas lieu d’être concernant une « défaillance technique » d’un four, sauf à sous-entendre qu’il y a bien eu un « acte » humain à l’origine de l’intoxication… Du détergent qui coule pendant la cuisson, comment cela est-il possible ? Bouillantes a contacté un spécialiste des cuisines professionnelles qui doute de l’explication, « cela ne peut être qu’une erreur manifeste en cuisine » estime-t-il. Alice Tuyet confirme la thèse de la défaillance du four. Mais dès qu’il s’agit d’expliquer plus en détail le souci, la question reste sans réponse. 

Après les boulettes cochonnes réalisées dans des conditions d’hygiène douteuses, voilà les brioches au détergent qui vous détruisent la bouche. Heureusement, comme le précise Christian Stori dans sa réponse sur le site SignalCono, « nos dispositifs d’hygiène ont été renforcés et notre équipe a été sensibilisée de manière approfondie pour garantir qu’un tel incident ne puisse se reproduire. » Là encore, l’argumentation, certes nécessaire pour montrer que l’équipe n’est pas restée inactive face à cet « incident », semble totalement en contradiction avec une « défaillance technique » qui échappe par définition aux attentions humaines. 

Ironie du sort qui pourrait relever de l’anecdotique mais qui montre que les soucis chez Faubourg Daimant sont profonds, voire systémiques. La victime revient sur un autre épisode de ce déjeuner mémorable : « Après avoir croqué dans la brioche, nous avons quand même commandé un café en vitesse. Nous y avons mis du sucre et le goût était horrible, à vomir. Là, nous pensions que nous avions les papilles complètement détruites. En fait, l’équipe avait mis un sachet de sel au lieu d’un sachet de sucre. » Quand rien ne va. Un Faubourg Daimant totalement… dément.

_

Sur le même sujet

Alice Tuyet, ses « croquettes cochonnes » de Faubourg Daimant (Paris, 10e arr.) et le jeu des sept erreurs du respect des règles sanitaires

_

Photographies

DR

LES DERNIERS ARTICLES

Alain Llorca (Restaurant Alain Llorca, 06) : « Je maintiens la qualité mais j’augmente l’accessibilité grâce au paiement en plusieurs fois »

En proposant un règlement en trois fois sans frais du repas consommé dans son restaurant de Saint-Paul-de-Vence (06), le chef Alain Llorca bouscule le principe du règlement immédiat. Est-ce un choix bien raisonnable, n’existe-t-il pas un danger pour les clients de repartir avec un crédit sur le dos ; n’est-ce pas délicat en termes d’image pour le restaurant ? Alain Llorca répond à toutes ces questions bouillantes.

L’addition en trois fois sans frais : carte vitale ou mort à crédit ? 

En proposant de payer son repas en trois fois sans frais, à l’image d’un classique crédit à la consommation pour s’offrir une voiture ou un canapé, le chef Alain Llorca, à la tête du restaurant étoilé éponyme, bouscule totalement les us et coutumes du secteur. Piste salutaire pour contrecarrer une baisse du chiffre d’affaires ou voie de garage qui ressemble à une mort à crédit ?

Sondage : 87% des votants contre l’idée du repas à crédit

En période de vaches maigres, il faut parfois imaginer des solutions nouvelles pour essayer de sortir la tête de l’eau. Un chef étoilé français va proposer à ses clients de payer leur repas en trois fois sans frais pour remplir sa table. Le repas à crédit ? Une mauvaise idée selon notre sondage.

Le 50 Best récompense Mostafa Seif, chef pro-Hamas qui ne reconnait pas l’existence d’Israël

Dans sa batterie de récompenses annuelles, le 50 Best Restaurants a récemment honoré Mostafa Seif, chef d’un restaurant situé en Egypte, du prix One to Watch. Or celui-ci a posté sur Instagram un message niant l’existence de l’Etat d’Israël quelques jours seulement après les attaques du 7 octobre 2023. Contactée par Bouillantes, l’attachée de presse du 50 Best Restaurants ne voit pas où est le problème.

Florent Ladeyn : « Ma nature n’est pas d’être spectateur de la bêtise sans tenter d’expliquer à un fou qu’il est fou »

Suite à l’annonce de la fermeture de Bisteack, restaurant situé à Béthune (62), le chef Florent Ladeyn a subi une vague d’attaques personnelles et professionnelles. L’homme, qui n’est pas du genre à « rester assis et tendre la joue gauche, s’est fendu d’un long message sur son compte Facebook. Un texte aussi clair que vigoureux, particulièrement salutaire en ces temps où chacun se rêve en justicier blanc derrière leur écran noir. Bouillantes a décidé, avec l’accord de son auteur, de publier l’intégralité du texte.

“Oui chef·fe !” : l’intégration par imitation

Le fameux « Oui chef.fe » a encore cours dans la plupart des cuisines des restaurants français. Une expression qui en dit long sur le métier, sur ses codes et qui dépasse de loin les seuls savoir-faire. Doit-elle désormais tourner court ?

Tanguy Laviale (Ressources, Bordeaux) : « Ce n’est pas l’ordre qui crée la performance, c’est l’adhésion »

Dans un milieu encore largement marqué par la hiérarchie militaire, les violences symboliques et la compétition effrénée, Tanguy Laviale fait figure d’exception. À la tête du restaurant bordelais Ressources, il a choisi une autre voie : celle de l’horizontalité, du respect, et du management « durable ». Entretien sans détour avec un chef qui refuse d’en être un.

Quand le restaurant se rêve en nouveau théâtre national populaire

L’avenir de la gastronomie française passe-t-il par sa démocratisation ? À l’image du théâtre populaire ou de la culture pour tous prônés par Jean Vilar et André Malraux au siècle dernier, le restaurant gastronomique se rêve lui aussi accessible à tous… pour survivre.

Les « menus vidéos » : le restaurant à l’heure de la food porn agueusique

Si tu ne sais pas quels plats choisir, mate-toi les vidéos, ça t’aidera à te décider. Mieux que les intitulés des plats, la société Sunday propose un nouveau service : présenter aux clients des petits films sur leur téléphone pour montrer les assiettes et « déclencher l’envie ». Après les réseaux sociaux et la porn food, le restaurant rentre à son tour dans la pornographie. Le danger est énorme. Décryptage.

« Cuisines ouvertes de la gastronomie française » : une initiative pour plus de transparence en restauration très discutable

Jamais l’actualité n’a été aussi riche du côté de la transparence dans les cuisines des restaurants français. Des affaires qui sortent, la publication d’un livre sur les violences, des initiatives en tout genre pour favoriser le dialogue et former les équipes : le côté sombre de la restauration prend la lumière, grâce à des événements comme « Cuisines ouvertes de la gastronomie française ». Sauf que, désormais, certains se rachètent une virginité à peu de frais.

Liste des métiers en tension : une patate chaude qui ne fait pas consensus

Le Journal officiel a publié jeudi 22 mai la liste « des métiers en tension ». Celle-ci diffère d’une région à une autre en fonction de différents critères. Le secteur de la restauration crie son incompréhension, et il n’est pas le seul. Les syndicats hésitent entre le verre à moitié plein et vide, et le restaurateur Stéphane Manigold apporte un point de vue… disruptif.