Pour celles et ceux qui pensent encore que les violences, les harcèlements et les discriminations font partie du passé, nous tenons à préciser d’emblée que toutes les écoles interrogées pour la réalisation du benchmark « Violences en cuisine : ce que proposent les écoles » ont reconnu l’existence d’un listing regroupant les restaurants dans lesquels il ne faut plus envoyer d’étudiants suite à des faits répréhensibles commis. Si aucune école ne s’est exprimée sur un chiffre précis, il a été sous-entendu à plusieurs reprises que la liste des restaurants blacklistés, souvent conséquente, s’allongeait très régulièrement. Ce qui revient à dresser un constat qui fait froid dans le dos : de nombreux stagiaires et apprentis subissent chaque année des violences, de toutes natures, sans que l’on ne puisse comptabiliser toutes celles et ceux qui ne disent rien.
La réalisation de ce benchmark des bonnes pratiques des écoles relatives à l’information de leurs étudiants sur le sujet des violences en cuisine n’a pas été aisée. Si certaines écoles ont immédiatement joué le jeu, répondant à nos questions en toute transparence, d’autres ont au contraire montré des réticences certaines, voire n’ont pas souhaité répondre. Il ressort de cela que cette question, pourtant centrale et évidente en 2024, reste tabou pour certains acteurs clés du secteur.
Au final, il ressort comme une évidence sur le sujet : pour être réellement utile et pour donner l’image d’un secteur novateur et ambitieux sur ces questions de violences, de harcèlements et de discriminations, pourquoi toutes les écoles qui forment les futurs acteurs de la restauration ne se regroupent-elles pas autour d’un « programme commun » qui comporterait une charte unique pour tous les étudiants, un numéro de téléphone centralisé et, derrière, des professionnels à même de prendre en charge les trop nombreuses victimes ? Cela n’empêcherait nullement les écoles qui veulent faire plus d’ajouter des modules mais, déjà, l’existence d’un socle fort, intangible et connu de tous constituerait un signal fort. Une telle base permettrait également de centraliser tous ces fichiers des tables blacklistées – qu’un directeur d’école, interrogé pour le benchmark, qualifie de « solution médiévale – et éviter ainsi que des étudiants venus d’une autre école subissent de nouveau les brimades vécues par d’autres. Et puisqu’aucune école ne publiera cette liste, pourquoi ne pas faire le contraire et créer – et partager publiquement – un fichier centralisé des restaurants « partenaires », ceux dans lesquels les stagiaires et apprentis peuvent apprendre le métier sereinement ? Par déduction, et sans le moindre risque juridique, le monde des cuisines, et bien au-delà, pourrait constater l’absence de telle ou telle maison dans ce recueil ouvert des partenaires des écoles, et en tirer les justes conclusions.
Cela n’a rien d’utopique : il faut seulement y mettre une grosse dose de volonté, un peu d’huile de coude et une organisation carrée. N’est-ce pas là la recette pour que, demain, les écoles spécialisées attirent de nouveaux talents et pour que les cuisiniers travaillent en confiance ?
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