Sélection : 10 lectures estivales et voraces (plus une)

Chaise longue, piscine, rosé et lecture. On oublie pendant quelques jours mails, réseaux sociaux et autres fils à la patte aussi virtuels que résistants. On pose le téléphone et on ouvre un livre. Miracle, il existe autre chose que les écrans dans la vie, avec du papier, de l’encre, des lignes, des chapitres et de belles histoires. Dix conseils de lecture, plus un : à onze, on bronze.

Comme toujours avec l’excellente revue Papilles, le thème est pointu et l’écriture précise. Son 61e numéro, intitulé « L’oeil et la bouche. Les couleurs et le goût », aborde ce lien indéfectible entre ces deux sens qui forment le goût. À travers une quinzaine de sujets, la revue questionne notre rapport à la couleur et à l’assiette, en abordant notamment « l’exquise palette de couleurs des vins », « les viandes, couleurs et coloration », « Carême en couleur », le « dialogue entre pupilles et papilles », etc. Dans un bel entretien, le chef belge Sang Hoon Degeimbre (L’Air du Temps, Liernu, Belgique) explique que pour lui « les goûts sont des couleurs ». D’autres sujets, passionnants, sont abordés dans cette revue singulière. 

Revue Papilles | Ouvrage collectif | Association des Bibliothèques gourmandes | 25€

_____

Depuis quelques années, une littérature radicale se développe autour du concept de gastronomie et, plus largement, du restaurant et de l’alimentation. Il y a quelques mois, nous évoquions un livre qui prônait la fin du restaurant. En cause, l’exploitation systémique des ouvriers de la restauration. D’autres ouvrages, et ce sans remonter à 1892 et La Conquête du pain de Kropotkine, traitent de ce lien entre exploitation et alimentation. Celle de l’homme, mais aussi celle de l’animal. Ainsi, voit-on désormais se développer toute une littérature contestataire portant sur notre façon de manger, à l’instar du « véganarchisme ». Tout un programme à la Marx. Le vrai, l’historique.

C’est dans cette veine qu’a été publié il y a quelques mois l’ouvrage Gastronomie et anarchisme, rédigé par le sociologue libertaire Nelson Mendez. Livre court mais dense, il aborde la question de la restauration sous l’angle de la domination. « Ni dieu, ni maitre, ni chef » clame le libertaire. La question n’est pas tant d’être raccord ou pas avec les idées ici développées. Mais un tel livre nous oblige à nous projeter dans un avenir plus ou moins lointain et de réfléchir à notre façon de penser le rapport à l’autre à travers le prisme de la gastronomie (entendue ici au sens large). Un livre certainement pas consensuel qui ouvre donc un débat fort et rare sur le rapport entre l’être humain, son alimentation et son milieu.

Gastronomie & Anarchisme | Nelson Mendez | Ed. Nada | 2023 | 10€

_____

Un roman. Mais quel roman ! L’autrice autrichienne Teresa Präauer livre une satire malicieuse et savoureuse d’un groupe de quadra bobos autour d’un repas. Tout démarre bien puis, au fur et à mesure, alcool aidant, les uns et les autres se retrouvent empêtrés dans leurs contradictions autour de la cause féministe ou de l’écologie. Un livre loufoque, très bien écrit et dans lequel.. on se reconnait un peu, beaucoup. Passionnément. 

Fines Bouches | Teresa Präauer | Ed. Flammarion | 2024 | 21,50€

_____

Il y a des livres à relire. Et des auteurs à ne pas oublier. Mes chemins de table de feu JP Géné en fait partie. Le journaliste, passé par Libération et Le Monde notamment, disparu en 2017, a regroupé ici quelques-unes de ses aventures culinaires. Il y raconte sa vie, ses rencontres, ses plats. « Ce n’est pas un livre de recettes, ce n’est pas un livre de cuisine, ce n’est pas un livre de chroniques. C’est l’histoire d’un mec qui aime manger bien et qui fait la cuisine » écrit-il en quatrième de couverture. Du JP Géné dans le texte et bien dans son assiette. 

Mes chemins de table | Ed. Hoëbeke | 2010 | 18€

_____

Dans la restauration, les reconvertis sont légion. Dans le vin aussi. La journaliste du journal Le Monde Laure Gasparotto s’est essayée dans le vignoble avant de rapidement lâcher l’affaire. Catherine Bernard, elle, tient le choc. Cette ex de Libération a acheté en 2005 trois hectares de vigne dans les coteaux du Languedoc et elle y est encore. Mais pas sans heurts et malheurs. Celle qui vient de publier un livre en vers libres (Lambrusque, ed. Argol) a rédigé, en 2011, un ouvrage dans lequel elle narre toutes ses aventures dans le lancement de son activité de vigneronne. Un ouvrage à lire pour comprendre que tout n’est pas rose dans le monde du rouge.

Dans les vignes | Catherine Bernard | Ed. Rouergue | 2011 | 20€

_____

Le thème de la saisonnalité du produit est probablement celui qui occupe le plus de place dans la communication des chefs. Un peu moins dans leur cuisine, mais il s’agit-là d’un autre débat. L’écrivaine Ryoko Sekiguchi s’est attelée avec talent à questionner la notion de saison, sa temporalité et, plus précisément, son extension dans les faits et dans nos coeurs. Nagori, littéralement « reste des vagues » signifie la nostalgie de la séparation. Séparation avec les produits qui s’enfuient… pour mieux revenir l’année suivante. Cet ouvrage, publié en 2020, n’a pas pris une ride. Un petit livre-pépite. 

Nagori. La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter | Ryoko Sekiguchi | Gallimard | 2020 | 6,60€ 

_____

Voilà un titre fort intéressant qui réunit deux temporalités, deux territoires, deux dimensions. La route, espace infini, temporalité glissante, destination incertaine. Et « en cuisine », lieu fermé, personnel, intime, avec un début et une fin déterminés. L’auteur américain Rick Bass narre ici son voyage à travers les Etats-Unis et l’Europe pour rencontrer ses « héros qui lui ont appris non seulement à écrire, mais aussi à vivre ». À chaque fois, il concocte un plat. Et, ça ne manque jamais, il en découle quelques anecdotes truculentes. 

Ce livre replace le repas partagé au centre de la vie de son auteur. Lequel, dans une série de portraits intimes et joyeux, parle de commensalité, d’amitié, de bonne bouffe. De la vie quoi. Un livre qui vous transporte « sur » la route et « en » cuisine sans bouger du transat. Qui dit mieux ? 

Sur la route et en cuisine avec mes héros | Rick Bass | Ed. Christian Bourgois | 2019 | 22€

_____

C’est un micro livre pour un auteur à la micro vie. Antoine Percheron, mort à 25 ans d’une tumeur au cerveau, a écrit ce carnet émouvant, aussi court qu’intense. Il y raconte sa transformation physique, romancée bien sûr, en matière végétale. « Un jour, j’ai changé d’odeur. Je me suis mis à sentir le végétal. D’un coup. » sont les premiers mots de l’ouvrage qui compte moins de 40 pages. Cela se lit d’un trait. Foncez. 

Végétal | Antoine Percheron | Ed. Les Belles Lettres | 2022 | 9,50€

_____

Voilà (encore) un livre totalement atypique sur un sujet omniprésent : l’eau. Grégoire Sourice, auteur d’un premier livre intitulé La Gelée du vivant (Ed. Zoème, 2022), aborde le fluide en suivant le cours des articles du Code civil. Un drôle d’exercice littéraire qui navigue entre l’autofiction, l’enquête et le poème. À chaque page, l’auteur questionne la propriété de l’eau dans tous ses sens juridiques. Loin d’être abscons et sec, ce livre ouvre de nouvelles perspectives sur ce bien commun souvent privatisé. 

Le Cours de l’eau | Grégoire Sourice | Ed. Corti | 2024 | 17€

_____

Comment les nazis ont fait main basse sur le vignoble français pendant la Seconde Guerre mondiale ? En voilà une drôle de question. En voilà une super réponse, documentée, précise et surprenante avec ce livre-enquête rédigé par un spécialiste de l’histoire du vin et de la vigne. Ca se lit comme un polar. Sauf que tout est vrai. 

Le vin et la guerre | Christophe Lucand | Ed. Ekho | 2019 | 9,90€

_____

Cela n’a pas grand-chose à voir avec la chose culinaire me direz-vous. Peut-être. Mais il est temps de penser la place de nos écrans au restaurant (et dans nos vies bien sûr !) et, surtout, de celle du téléphone portable à table. Pour paraphraser l’excellent sociologue David Le Breton (interviewé sur Bouillantes à propos des tatouages), est-ce « la fin de la conversation » au restaurant ? Combien de convives ne se parlent plus parce qu’ils ont devant eux leur téléphone portable comme interface relationnelle ? Bien sûr, il serait illégal de les interdire le temps du repas mais ne doit-on pas ouvrir un vrai débat collectif – les chefs, restaurateurs et acteurs de la salle, bougez-vous ! – sur ces petites bêtes technologiques qui bouffent notre commensalité avec… application ? 

Ce livre, dont le sous-titre est « La parole dans une société spectrale », concis et facile à lire, permet de prendre conscience des dangers et nous fait prendre conscience de l’importance de cesser de communiquer. Pour mieux se contenter de (se) parler. Tout simplement. 

La fin de la conversation. La parole dans une société spectrale | David Le Breton | Ed. Métailié | 2024 | 15€

_____

Photographie | Ave Calvar

LA PLATEFORME BOUILLANTES SUR INSTAGRAM

DOSSIER : LA FRAUDE DANS LA RESTAURATION

« Le montant de la fraude peut atteindre 25 à 30% du chiffre d’affaires » : témoignage d’un ancien contrôleur fiscal 

Pendant plus de 15 ans, Nicolas R.*, a travaillé à la Direction générale des finances publiques. Cet ancien contrôleur des impôts a inspecté des centaines de restaurants à Paris. La fraude, il connait. Pour Bouillantes, il livre un témoignage sans ambiguïté sur la nature et l’ampleur de la fraude mais aussi sur les difficultés multiples rencontrées sur le terrain.

LES COURTS BOUILLANTES

13/11 | La solution de paiement Sunday lève 18 millions d’euros

Sunday, société créée par Victor Lugger, Tigrane Seydoux (les deux fondateurs de Big Mamma) et Christine de Wendel, annonce une levée de fonds de 18 millions d’euros grâce à la participation de DST Global Partners. La société va développer de nouveaux parcours de paiement « discrets » et souhaite se développer notamment du côté de la haute gastronomie. « Avec plus de 3 000 restaurants aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni, Sunday a triplé son chiffre d’affaires en seulement 12 mois et traite désormais plus de 4 milliards de dollars de paiements par an » annonce le communiqué de presse. 

13/11 | Et de 600 Burger King en France

Mercredi 12 novembre, l’enseigne Burger King, gérée par le groupe Bertrand, a annoncé l’ouverture de son 600e restaurant en France, à Grand-Quevilly, près de Rouen. Avec un slogan : « Chez BK, on 600 vraiment bien ». 

11/11 | Grégoire Rousseau et Vivien Durand pour un repas à quatre mains au Domaine du Bandiat (24)

Les chefs Grégoire Rousseau (Domaine du Bandiat, 24) et Vivien Durand (Le Prince Noir, Lormont, 33) proposent deux repas à quatre mains (en six services) au Domaine du Bandiat, situé à Abjat-sur-Bandiat (24) les samedi 29 novembre au diner et le dimanche 30 au déjeuner (au tarif de 95€).

10/11 | Jonathan Dudek sacré champion de France de pâté-croûte 2025

Jonathan Dudek, qui travaille chez Arnaud Nicolas (Paris) a remporté mercredi 5 novembre le premier championnat de France de pâté-croûte (c’était avant la sélection France). Il représentera son pays avec six autres candidats pour la finale mondiale. 

10/11 | Première sélection à Manille (Philippines), Helm décroche deux étoiles

Le Bibendum a annoncé début novembre sa première sélection à Manille, capitale des Philippines. Les inspecteurs ont récompensé la table Helm, du chef Josh Boutwood, de deux étoiles, tandis que huit restaurants glanent une première étoile, à quoi il faut ajouter 25 Bib Gourmand. 

09/11 | Corentin Gallene, nouveau directeur de salle chez Christopher Coutanceau

Après de nombreuses expériences dans de grandes maisons (La Maison d’à Côté, Les Sources de Cheverny, Maison Rostang), Corentin Gallene vient d’annoncer qu’il occupait désormais la place de directeur de salle du restaurant Christopher Coutanceau (La Rochelle). 

ABONNEMENT

Abonnez-vous au seul média indépendant et quotidien de la food

Tous les matins, recevez La Bouillantes de 8h30 dans votre boite mail. Abonnez-vous en suivant ce lien

LES DERNIERS ARTICLES

« Payer pour l’édition locale, ça peut aider pour être référencé au national » : propos d’une commerciale mandatée par le Gault et Millau

Une sélection par l’argent ? Interrogée par Bouillantes, une commerciale de l’agence Com En Régions, mandatée par le Gault et Millau, a reconnu à demi-mot que payer pour figurer dans une édition locale du guide facilitait le contact et l’accession à la sélection nationale. Des propos relativisés mais confirmés par le directeur général de l’agence.

Gault et Millau ou les errements d’un guide qui désespère la profession

Un simple sondage lancé sur Instagram par Bouillantes a montré toute la défiance d’une profession vis-à-vis du Gault et Millau. Des dizaines de messages ont souligné les errements d’un guide incapable de corriger ses erreurs pourtant anciennes et grossières, du restaurant référencé mais pas visité jusqu’aux pratiques douteuses de l’agence Com En Régions qui fait payer les chefs.

Le saumon norvégien au coeur d’un scandale sanitaire 

Une série documentaire diffusée sur la chaine publique norvégienne révèle le scandale des exportations de saumons norvégiens qui échappent aux contrôles. Blessés ou malades, certain sont même jugés impropres à la consommation.

« Le montant de la fraude peut atteindre 25 à 30% du chiffre d’affaires » : témoignage d’un ancien contrôleur fiscal 

Pendant plus de 15 ans, Nicolas R.*, a travaillé à la Direction générale des finances publiques. Cet ancien contrôleur des impôts a inspecté des centaines de restaurants à Paris. La fraude, il connait. Pour Bouillantes, il livre un témoignage sans ambiguïté sur la nature et l’ampleur de la fraude mais aussi sur les difficultés multiples rencontrées sur le terrain.

Fin de l’aventure pour Sébastien Tantot au Maybourne Riviera

Arrivé en avril 2025, le chef Sébastien Tantot n’est déjà plus le chef exécutif du magnifique hôtel de Roquebrune-Cap-Martin (06), le Maybourne Riviera. L’ex-chef de l’Auberge À la Bonne Idée (Oise) nourrit déjà d’autres projets.

Nouveau changement de chef à la Mère Germaine (Châteauneuf-du-Pape) ?

Le restaurant La Mère Germaine, propriété d’Isabelle et Arnaud Strasser, aurait encore changé de chef. Une instabilité plus qu’inquiétante mais qui n’empêche pas le Bibendum de renouveler l’étoile sans tousser. Bouillantes vous révèle celui qui semble avoir pris la relève, à ses risques et périls.

Aurélien Largeau (Biarritz, 64) : « Tout notre plan de carrière s’est dessiné autour de cette idée d’ouvrir notre restaurant »

Dans un Biarritz en pleine ébullition culinaire, La Table d’Aurélien Largeau tient le haut de la vague depuis son ouverture le 22 octobre 2024. Le couple Aurélien Largeau (33 ans) et Mathilde Fesneau (28 ans) s’exprime à bâtons rompus sur leur vie d’entrepreneur, l’identité culinaire, l’expérience douloureuse de l’Hôtel du Palais et le choix de rester à Biarritz. Grand entretien à deux voix.

Octobre : les 10 informations Bouillantes (et plus) à retenir

De Cibo à Imbert, de l’Arabie saoudite à la Belgique, en passant par La Mirande, les cuisines régionales, les clés Michelin et le Gault et Millau, l’actualité du mois d’octobre a été riche. Voilà l’essentiel à retenir, et plus encore.

Les Grands Buffets attaquent… les Grands Buffets

Narbonne contre Lyon, cela pourrait être un joli match de rugby où on se rentre dans le buffet. Mais il s’agit en réalité d’un mauvais combat qui se déroule sur le terrain judiciaire puisque les Grands Buffets de Narbonne attaquent devant la justice ceux de Lyon.

Mange ton sextoy et tais-toi

À l’occasion de la journée internationale du sextoy (ne faites pas votre mijaurée, vous le saviez…), qui tombe ce mardi 4 novembre, Bouillantes, média cul-rieux, a tapé sur son moteur de recherche préféré les mots « sextoy » et « nourriture » histoire de, histoire d’O. Oh surprise, un nouveau monde s’est révélé à nous. Article interdit aux moins de 18 ans et aux âmes sensibles.

LA PLATEFORME BOUILLANTES