Quand la violence cessera-t-elle en cuisine ?

Quand la violence cessera-t-elle en cuisine ? Derrière cette question, aussi provocatrice sur la forme que juste sur le fond, se pose une question essentielle sur l’état et la perception de la restauration. Des témoignages, des plaintes en cours, un dossier en préparation, le sujet des violences en cuisine reste malheureusement et cruellement d’actualité. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ?

Au grand dam de beaucoup, l’histoire se répète. Pas la grande, la belle, la joyeuse, mais celle beaucoup plus sordide des violences en cuisine. On a beau faire – il existe depuis quelques années différentes initiatives pour prévenir, expliquer… -, on a beau dire – la presse et les réseaux sociaux se sont un peu emparés du sujet -, celui-ci reste toujours aussi présent. Chez les vieux de la vieille comme chez les jeunes trop jeunes. L’argument générationnel ne tient plus depuis longtemps. 

Ces dernières semaines, le thème n’a cessé de revenir à nos oreilles (et pas que). Un chef qui a gagné il y a peu sa deuxième étoile pratiquerait régulièrement les violences verbales et physiques. Un témoignage, recueilli par Bouillantes, précis, daté, construit, laisse peu de place au doute. D’autant plus que l’homme n’en est pas à son coup d’essai. Un chef triplement étoilé qui le connait bien n’a pas hésité à dire « ah mince, il a donc recommencé » lorsque les faits lui ont été rapportés. À ce jour, aucune plainte n’a été déposé contre lui. Un autre chef, doublement étoilé à Paris, aurait, lui, une plainte aux fesses pour harcèlement. L’affaire est en cours. En province, ce n’est guère mieux, la violence n’étant pas l’apanage des grandes villes. Il n’est pas rare de recevoir, sur la boite mail de Bouillantes, des témoignages qui font froid dans le dos. 

En 2014, lorsque le média Atabula avait sorti pour la première fois des faits de violence qui en cachaient tant d’autres, la presse spécialisée a nié le souci, tandis que les chefs se serraient les coudes pour éviter que la vérité ne s’ébruite. Dix ans plus tard, la situation a changé car le sujet a été médiatisé ; il a été pris en compte – partiellement – par les écoles ; la parole s’est libérée dans une certaine mesure. Mais le #metoo des cuisines reste une chimère. De trop nombreux chefs se sentent encore dans une toute puissance hallucinante. Des intouchables qui ne craignent pas d’avoir des casseroles au cul, qui menacent encore parfois d’un blacklistage en règle. Il se murmure depuis quelques semaines qu’un quotidien national préparerait un grand dossier sur les violences en cuisine. Des chefs multi-étoilés seraient ouvertement accusés. Le choc pourrait être terrible pour la profession.

Comment peut-on encore agir ainsi en 2024 clame toute une partie de la profession. D’autant plus que l’image de la restauration se brouille toujours plus, avec ses contraintes et ses abus d’un côté et, de l’autre, sa médiatisation qui embellie à l’extrême le métier. Les travailleurs semblent d’ailleurs de moins en moins dupes ; les chiffres abyssaux du manque de personnel suffisent pour saisir l’ampleur du mal. Quand la violence cessera-t-elle en cuisine ? Impossible à dire. Et ce d’autant plus que les chefs eux-mêmes – pas tous bien sûr ! – ne semblent pas se donner les moyens pour que les choses changent vraiment. 

_____

Photographies | Edward Howell, Getty Images

EN VIDÉO

Des dizaines de témoignages soulèvent les relations troubles entre le Gault et Millau et l’agence Com En Régions

ABONNEMENT

Abonnez-vous au seul média indépendant et quotidien de la food

Tous les matins, recevez La Bouillantes de 8h30 dans votre boite mail.

Abonnez-vous en suivant ce lien

CHEZ BOUILLANTES, C’EST LA RED WEEK :
-50% SUR L’ABONNEMENT ANNUEL, SOIT UN TARIF DE 46,20€ TTC

Sélectionnez l’abonnement annuel et tapez le code de réduction BLACKWEEK pour profiter d’une réduction de 50%. 

Lien vers la page abonnement

LES DERNIERS ARTICLES

Alain Ducasse et son pop-up en Arabie saoudite : une triste leçon de marketing opportuniste 

Comment peut-on justifier la création d’un pop-up au fin fond de l’Arabie saoudite quand on revendique « une alimentation bonne à penser avant d’être bonne à manger », la naturalité et la responsabilité écologique ? En créant un concept bien sûr, censé se suffire à lui-même pour être politiquement correct. Aux principes et à la cohérence, Alain Ducasse préfère l’opportunisme. Une triste leçon de marketing.

La TVA réduite à 5,5% pour les maitres restaurateurs ne passe pas au Sénat

Un amendement, déposé au Sénat, proposait d’instaurer un taux de TVA réduit de 5,5% pour les établissements titulaires du titre de maitre-restaurateur, une idée lancée il y a quelques semaines par le restaurateur Stéphane Manigold et le chef Philippe Etchebest. Les autres restaurants resteraient soumis au taux réduit de TVA à 10 %, à l’exception des prestations de livraison de repas à consommation immédiate réalisées par les plateformes ou les entreprises de la restauration rapide qui seraient soumises au taux normal de TVA à 20 %. L’ambition affichée de cette mesure

Le « bistrot de village », nouvelle marotte des grands chefs ?

Alors que la haute gastronomie se questionne sur ses codes et son modèle économique, de nombreux chefs à la tête de tables étoilées se lancent dans l’aventure complémentaire du « bistrot de village ». Proximité, mixité sociale, sauvegarde d’un commerce, diversité des offres et des postes pour les équipes, les avantages sont nombreux (avec quelques écueils à ne pas négliger) et positionnent la cuisine comme un outil politique de premier plan.

Le Michelin lâche sa grappe

Le guide Michelin a présenté aujourd’hui son système des grappes, à l’image des étoiles pour les restaurants, pour noter les « talents viticoles ». Après les tables, les hôtels, voilà donc le tour du vin d’entrer dans l’écosystème de notation du guide. Se pose la question des moyens humains et financiers mis en face pour remplir un tel objectif à l’échelle mondiale.

L’algorithme de La Liste existe-t-il seulement ? 

Depuis dix ans, la Liste, originellement créée dans le but revendiqué de contrer la prétendue francophobie du World’s 50 Best, annonce son classement mondial en se référant à un algorithme capable d’avaler des milliers de sources. Sauf que tout prête à croire que cet algorithme n’existe pas.

Comment le Michelin a coincé La Liste

En 2023, le guide Michelin a joué un très mauvais coup à La Liste. Celle-ci s’est trouvée dans une impasse, obligée de renier soit l’intégrité de son prétendu algorithme, soit son indépendance, garante de sa pérennité économique et politique.

Lettre d’excuse du Gault et Millau : le pire bad buzz de l’histoire du guide

Le guide Gault et Millau a eu l’idée saugrenue de publier sur son compte Instagram une parodie de « lettre d’excuse » justifiée par les « désagréments occasionnés par (son) incorrigible enthousiasme gastronomique » et par la qualité de son travail de valorisation des restaurants. Une lettre qui a mis le feu aux poudres puisqu’elle donne l’occasion aux professionnels du secteur d’exprimer au Gault et Millau ses quatre vérités et plus encore. Un feu d’artifice de critiques qui fait mal.

Le restaurant Guy Savoy occupe (encore) la première place de La Liste 2026, avec… Joël Robuchon

La Liste vient de communiquer sur le haut de son classement. Dix tables occupent la première place, issues de huit pays différents. Exit Cheval Blanc (Saint-Tropez) du chef Arnaud Donckele, mais statu quo pour le restaurant Guy Savoy qui conserve encore et toujours la première place en dépit du bon sens. Le restaurant Robuchon au Dôme (Macau) occupe également la première place du palmarès. Parmi les autres restaurants en tête de Liste : Cheval Blanc by Peter Knogl (Bâle, Suisse), Da Vittorio (Brusaporto, Italie), Le Bernardin (New York, USA),

Logiciel de caisse : la certification obligatoire a du plomb dans l’aile

En dépit des récentes perquisitions qui ont eu lieu dans le monde de la restauration et des fortes suspicions de fraude, un amendement a été adopté par l’Assemblée nationale pour maintenir le système d’auto-certification des éditeurs de logiciels de caisse. Les arguments développés en faveur de ce nouveau recul sont très contestables.

Michel Roth, BHV et Shein : un chef devenu sourd et muet ?

Les chefs sont-ils sourds et aveugles ? Pas impossible. Alors que toutes les enseignes qui ont une image à défendre ont quitté le BHV parisien où s’est installée la marque Shein, le chef Michel Roth, présent avec sa « Table cachée » fait… la sourde oreille.

Le Gault et Millau fait aussi polémique en Belgique

Très largement vilipendé en France, le guide Gault et Millau l’est également en Belgique. Un restaurateur critique ouvertement sa note avec un argument fort bien connu des deux côtés de la frontière. Explications.

LA PLATEFORME BOUILLANTES