Maison Brut (9e arr.) : la précieuse ridicule

Ouverte il y a quelques semaines par le chef Bastien Djait, dans le très montant neuvième arrondissement parisien, Maison Brut ne cache pas ses ambitions gastronomiques. Malheureusement, Bouillantes y a fait un repas désastreux de bout en bout. Goûts non maitrisés, plats froids, chaises cassées, rythme défaillant et préciosité du service : un diner funeste, un échec brutal.

C’est marqué sur leur site Internet : Maison Brut a la prétention de se définir « restaurant gastronomique ». Qui n’essaie rien n’a rien. Sur le menu – seulement donné à la part masculine de la table, une première fort désagréable… -, l’équipe mentionne que « nous voyons nos clients comme une famille et souhaitons qu’ils s’y sentent comme chez eux… ». Inutile de s’appesantir sur le sens profond d’une telle phrase ; rentrons plutôt dans le vif du sujet, celui de l’expérience client. Celui qui pique vraiment. 

Notre table, ridiculement étroite, ne permettait pas de pouvoir déposer correctement verres et assiettes. Ca démarrait fort. Pour le pain, il n’y avait donc qu’un seul support. Sur lequel les deux tranches de pain s’entassaient. Pas très pratique mais rien de grave. Plus embêtant, la chaise en rotin dont l’assisse était cassée à plusieurs endroits. Un défaut présent sur nos deux chaises (et sur d’autres !). Au bout d’un quart d’heure, sans être chochotte, notre séant commençait à se plaindre gentiment. Mais bon, après une petite tartelette d’inspiration bretonne plutôt correcte, on se dit que notre cerveau va se concentrer sur l’essentiel, l’assiette. D’une certaine façon, ce fut le cas, mais pas exactement comme on l’espérait. Au menu « Efflorescence » en huit services (95€), nous avons opté pour « Germination » (70€). Pour l’étape viandarde, le service nous propose soit le veau, soit le pigeon, qui doit être pris par tout le monde, avec supplément de 10€ par personne. Va pour le veau. Le repas démarre avec un « doubeurre », le nom prétentieux de la courge. Une première étape sans relief, débordant de gras, sans texture, si ce n’est ces morceaux d’échalote qui vous habille la bouche pour une durée indéterminée. L’enchainement avec des « lentilles vertes, oignon doux » se montre séduisant sur le papier mais, en bouche, on cherche le début d’une émotion, même petite, même demi-molle. Rien. Le dressage, fait à la va-vite, montre que le chef balbutie sa cuisine, envoie ses assiettes sans cette attention – ne parlons pas ici de talent – qui fait la différence. La suite du repas fut pire encore, avec un cabillaud riquiqui servi froid (très froid même) et une sauce simplement… mauvaise. Le maquereau qui prit la suite maintenait l’électrogramme culinaire plat, et ce n’est pas le veau, trop cuit, qui fit la différence. Le dessert, une poire, sumac et oseille était servi… sans oseille. Mais avec un jus de thym qui emportait tout sur son passage, même l’haleine échalotée qui trainait depuis le début du repas. Et un crumble épais et dur comme une brique à même de faire trembler le plus résistant des plombages. 

_

Petites tartelettes au jambon
Doubeurre, piment végétarien, agastache
Lentilles vertes, oignon doux
Veau, lactose, foin
Poire, oseille (thym), sumac

De ce repas catastrophique, nous en avons fait part, avec doigté – si si, promis – à l’obséquieux directeur de la restauration qui gérait le service, Dimitri Roussel. Derrière un ton hautain et une prétention sans nom, il a assuré qu’il remonterait nos remarques au chef. Lequel, pourtant présent parfois en salle, n’est pas venu s’enquérir une seule fois du pourquoi de nos commentaires polis mais clairs sur notre désespoir. Peut-être savait-il, lui qui a travaillé chez quelques toques connues – Thierry Marx, Mory Sacko, Jean Imbert… -, que sa partition culinaire ne valait pas tripette. Une cuisine grasse, redondante dans ses goûts, sans aucun peps d’acidité ou autre, avec des fautes de cuisson et de température, un service sans cadence et pédant d’un autre temps, qui ne se voit même plus dans le plus prout-prout des restaurants mondains ; bref, la totale. Et le vin ? Une belle bouteille du Domaine de Gringet (ex-Belluard) mis dans… une carafe à eau. La misère de bout en bout. Un échec brutal pour cette Maison qui joue aux précieuses ridicules. Sans le talent de Molière. 

___

Maison Brut, 18 rue d’Abbeville, Paris 9e arr. | 0983959601 | Site Internet
Photographies | Maison Brut, FPR

EN VIDÉO

Portrait d’un chef résilient, qui a tout connu, de l’étoile Michelin à… quatre AVC, une vie abîmée mais une envie folle d’avancer et de montrer que le handicap, ce n’est pas la fin des haricots

LA PLATEFORME BOUILLANTES SUR INSTAGRAM

LE TOP 3 DES ARTICLES LES PLUS LUS

ABONNEMENT

Abonnez-vous au seul média indépendant et quotidien de la food

Tous les matins, recevez La Bouillantes de 8h30 dans votre boite mail.

Abonnez-vous en suivant ce lien

LES DERNIERS ARTICLES

La marque de chocolats Alléno & Rivoire change de nom

En toute discrétion, la marque de chocolats de Yannick Alléno et d’Aurélien Rivoire a changé de nom il y a quelques jours, faisant disparaitre le nom du chef pâtissier. Bouillantes vous explique pourquoi.

L’huitre et ses amants impossibles

Produit clivant par excellence, l’huître se prête avec délectation à l’accord terre-mer. Les chefs sont très nombreux à le pratiquer, avec plus ou moins d’inventivité. Bouillantes a interrogé trois chefs (plus un, un peu différent) pour comprendre leur approche culinaire très singulière de ce produit iconique.

Le fait maison : Catherine Quérard, présidente du GHR, aurait-elle mangé du clown ?

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi tous les chefs de la nouvelle génération, comme de l’ancienne d’ailleurs, n’ont que faire des gesticulations et des jérémiades des syndicats, que ce soit l’Umih ou le GHR. Ce ne sont pas les prises de position de Catherine Quérard, présidente du GHR, pour la ridiculisation du label fait maison qui va arranger les choses. Clownesque à souhait.

Étoile rouge et service en salle : le Michelin, entre déni et évidence

Alors que le Bibendum demeure arcbouté sur le discours selon lequel seule la qualité de l’assiette entre en ligne de compte pour accorder ses étoiles rouges, les professionnels plaident très largement pour que le Michelin prenne en compte officiellement le service en salle. Ce qui serait déjà factuellement le cas selon certains.

Le chef Matthias Marc quitte le restaurant Substance

C’est un secret de polichinelle qui prend officiellement fin : le chef Matthias Marc va quitter le restaurant Substance (Paris, 16e arr.) à la fin de l’année avec comme prochain objectif d’ouvrir un ambitieux projet en dehors de la capitale.

« Trouver des solutions sans cesse, c’est ça être entrepreneur » : grand entretien avec Christophe Aribert

Depuis 2019, le chef Christophe Aribert dirige sa Maison, à Uriage-les-Bains (38). Profondément engagé dans le respect et la valorisation de son territoire, il a construit un établissement écoresponsable. Il s’exprime sur sa Maison, la place de l’écologie dans son quotidien, mais aussi sur sa propre évolution vers un management respectueux de l’humain.

Jérémy Biasiol, cuisinier résilient en route vers le MOF

Un corps en souffrance, une vie diminuée, voire annihilée. Mais une envie de vivre renouvelée au service d’un projet ambitieux pour mettre un coup de pied dans une fourmilière rarement tendre. Handicapé touchant et touché, mais pas coulé, Jérémy Biasiol se prépare aux épreuves du concours du MOF cuisine. Bien au-delà de son combat solitaire, il a surtout la volonté de porter un double message universel. Portrait d’un cuisinier résilient.

Chère Hélène Darroze, votre silence sur les violences m’interpelle…

Suite à la publication d’un article sur Bouillantes où nous mettions en exergue d’importants dysfonctionnements dans le restaurant doublement étoilé parisien, Marsan, la cheffe Hélène Darroze et sa directrice du développement Christelle Curinier n’ont pas réagi. Une absence de réaction choquante au regard des faits signalés. D’autant plus que ce n’était pas la première fois.

Fabrice Idiart (Le Moulin d’Alotz, 64) : « Ma table passe en 100% végétal »

Le chef Fabrice Idiart, à la tête du Moulin d’Alotz (Arcangues, 64) depuis sept ans, a décidé de faire évoluer son offre. En 2023, il avait supprimé la viande ; l’an dernier, c’était le tour des fruits de mer. Décembre 2025, le poisson quitte également la carte. La table devient 100% végétale. Explications avec Fabrice Idiart.

Ras-le-bol des calendriers de l’avent gourmands

Il y avait les bûches et les galettes et, désormais, il y a les calendriers de l’avent. Pas un jour sans recevoir un mail, voire plusieurs, pour vanter ces créations commerciales qui proposent neuf fois sur dix de vous enfiler chaque jour dans le gosier une atrocité culinaire en petit format. 31 cases, 31 doses : ces calendriers ressemblent à une opération festive de mithridatisation au service de l’industrie agroalimentaire.

LA PLATEFORME BOUILLANTES