Lore Ttipia (Bidarray, 64) : du très très haut niveau signé John Argaud

Reculée dans le pays basque des terres, la sublime Auberge Ostape dispose d’une table étoilée nommée Lore Ttipia, avec vue plongeante sur la piscine et les Pyrénées en proche horizon. Face à un tel spectacle, les assiettes du chef John Argaud sont bouleversantes. Un très grand moment.

Bayonne et Biarritz sont à moins d’une heure de route, mais la mer semble déjà loin. Les montagnes sont rondes, les pâturages verts, la végétation exubérante. De la terrasse de l’Auberge Ostape, le regard se noie devant le sublime spectacle naturel, la quiétude s’installe et il ne faut pas attendre longtemps pour plonger non pas dans la piscine en contrebas mais dans les assiettes exceptionnelles de John Argaud. 

De son riche parcours professionnel, retenons son expérience ducassienne au Meurice (Paris) et celle auprès de Christophe Bacquié du coté du Castellet. « Ce sont celles qui comptent le plus pour moi » explique-t-il. Rigueur, respect du produit, mais aussi une certaine liberté qu’il revendique sans mal, expliquant qu’il change régulièrement ses plats, jonglant entre les contraintes du territoire, la distance qui oblige à faire preuve d’une grande dextérité côté logistique et les aléas climatiques qui forcent à changer son fusil d’épaule régulièrement. Sur la carte, on parle ainsi du « poisson du jour » en fonction de ce que la mer a bien voulu offrir le jour J. La cuisine s’adapte, le service aussi. Le plaisir, lui, ne baisse jamais pavillon. 

_

Maigre de ligne de Saint-Jean à peine saisi, tagète mandarine, mucilage de carotte, caviar osciètre d’Aquitaine

_

Du plaisir, il y en a eu à chaque étape, chaque plat, chaque bouchée même. Pas une seule fois le palais s’ennuie tant la cuisine réalisée ici confine parfois au sublime. Au fil du repas, nous avons limité l’usage des superlatifs, se demandant si nous n’étions pas envouté par le spectacle du paysage, la gentillesse toute professionnelle du service, ou l’accord mets et « elixirs » sans alcool proposé. Même pas. La fascination ambiante venait belle et bien des multiples assiettes du menu « Signature » dans lequel on déguste actuellement un « maigre de ligne de Saint-Jean à peine saisi, tagète mandarine, mucilage de carotte, caviar osciètre d’aquitaine » divin, ou une « fleur de courgette farcie, cuite sur la pierre du Baztan, seiche grillée, basilic, écume florale » d’une rondeur, d’une fraicheur et d’une vivacité ébouriffantes. Tout le reste du repas jouera le même registre, entre esprit terre-mer parfaitement maitrisé, barbecue et fumage maîtrisés, jusqu’aux desserts touchants du pâtissier Damien Albert. 

Récompensée d’une étoile en 2024, la table de l’Auberge Ostape peut sans le moindre doute viser bien plus haut tant la maitrise technique semble évidente, sans jamais s’opposer au plaisir simple de se faire plaisir avec des plats aussi fins que gourmands. Du grand art, une très belle émotion. Envouté ? Ensorcellé plutôt par la cuisine d’un très grand chef. 

_

PratiqueSite de l’Auberge OstapeJohn Argaud sur Instagram
Photographie | Emmanuelle Levesque

LES DERNIERS ARTICLES

Madame Cacao : l’échec aussi cuisant que silencieux de Christelle Brua

À peine deux ans d’existence, le soutien actif de Brigitte Macron, une communication tapageuse signée Melchior et un échec totalement placé sous silence médiatique : la marque Madame Cacao signée Christelle Brua a déjà mis la clé sous la porte. Après le ramdam de l’ouverture, voilà une liquidation dont la presse ne parle pas : voilà qui en dit long sur les rapports de pouvoir nauséabonds dans le petit monde de la bouffe.

Michelin : départs au sommet et ménage en cours

Que se passe-t-il vraiment à la direction du guide Michelin ? Selon nos informations, plusieurs départs (ou évictions) sont en cours et de nouvelles têtes arrivent pour faire le ménage à tous les étages. L’été s’annonce brûlant dans les bureaux parisiens du guide.

Thierry Marx et l’agroalimentaire : une relation naïve et fautive au pays de la gastronomie ?

Le très médiatique chef Thierry Marx vend depuis de longues années son image pour vanter des produits industriels de qualités diverses, de Lidl à Picard, en passant par les boulettes pour chiens et chats. Entre le cuisinier étoilé et président du principal syndicat de la restauration d’un côté, et sa posture d’homme-sandwich de l’autre, l’homme interpelle et interroge. Là où certains décèlent de la naïveté du petit gars de Ménilmontant, d’autres y voient les stigmates d’un homme d’affaires avide et sans scrupules.

François Perret quitte le Ritz Paris

Après dix années de bons et loyaux services, et deux boutiques ouvertes à Paris, le pâtissier François Perret quitte le palace parisien de la Place Vendôme.

50 Best Restaurants : pas anti-Français, plutôt pro-fric

Depuis sa création en 2002, le classement anglais World’s 50 Best Restaurants a la réputation d’être anti-Français. Une explication un peu trop facile et surtout fondamentalement fausse. La réalité se révèle beaucoup plus simple : le 50 Best n’est qu’un jeu où il faut mettre beaucoup d’argent pour attirer le votant. La France, elle, n’a pas envie de jouer sur ce terrain-là.

L’addition en trois fois sans frais : carte vitale ou mort à crédit ? 

En proposant de payer son repas en trois fois sans frais, à l’image d’un classique crédit à la consommation pour s’offrir une voiture ou un canapé, le chef Alain Llorca, à la tête du restaurant étoilé éponyme, bouscule totalement les us et coutumes du secteur. Piste salutaire pour contrecarrer une baisse du chiffre d’affaires ou voie de garage qui ressemble à une mort à crédit ?

Alain Llorca (Restaurant Alain Llorca, 06) : « Je maintiens la qualité mais j’augmente l’accessibilité grâce au paiement en plusieurs fois »

En proposant un règlement en trois fois sans frais du repas consommé dans son restaurant de Saint-Paul-de-Vence (06), le chef Alain Llorca bouscule le principe du règlement immédiat. Est-ce un choix bien raisonnable, n’existe-t-il pas un danger pour les clients de repartir avec un crédit sur le dos ; n’est-ce pas délicat en termes d’image pour le restaurant ? Alain Llorca répond à toutes ces questions bouillantes.

Sondage : 87% des votants contre l’idée du repas à crédit

En période de vaches maigres, il faut parfois imaginer des solutions nouvelles pour essayer de sortir la tête de l’eau. Un chef étoilé français va proposer à ses clients de payer leur repas en trois fois sans frais pour remplir sa table. Le repas à crédit ? Une mauvaise idée selon notre sondage.

Le 50 Best récompense Mostafa Seif, chef pro-Hamas qui ne reconnait pas l’existence d’Israël

Dans sa batterie de récompenses annuelles, le 50 Best Restaurants a récemment honoré Mostafa Seif, chef d’un restaurant situé en Egypte, du prix One to Watch. Or celui-ci a posté sur Instagram un message niant l’existence de l’Etat d’Israël quelques jours seulement après les attaques du 7 octobre 2023. Contactée par Bouillantes, l’attachée de presse du 50 Best Restaurants ne voit pas où est le problème.

Florent Ladeyn : « Ma nature n’est pas d’être spectateur de la bêtise sans tenter d’expliquer à un fou qu’il est fou »

Suite à l’annonce de la fermeture de Bisteack, restaurant situé à Béthune (62), le chef Florent Ladeyn a subi une vague d’attaques personnelles et professionnelles. L’homme, qui n’est pas du genre à « rester assis et tendre la joue gauche, s’est fendu d’un long message sur son compte Facebook. Un texte aussi clair que vigoureux, particulièrement salutaire en ces temps où chacun se rêve en justicier blanc derrière leur écran noir. Bouillantes a décidé, avec l’accord de son auteur, de publier l’intégralité du texte.

“Oui chef·fe !” : l’intégration par imitation

Le fameux « Oui chef.fe » a encore cours dans la plupart des cuisines des restaurants français. Une expression qui en dit long sur le métier, sur ses codes et qui dépasse de loin les seuls savoir-faire. Doit-elle désormais tourner court ?

Tanguy Laviale (Ressources, Bordeaux) : « Ce n’est pas l’ordre qui crée la performance, c’est l’adhésion »

Dans un milieu encore largement marqué par la hiérarchie militaire, les violences symboliques et la compétition effrénée, Tanguy Laviale fait figure d’exception. À la tête du restaurant bordelais Ressources, il a choisi une autre voie : celle de l’horizontalité, du respect, et du management « durable ». Entretien sans détour avec un chef qui refuse d’en être un.

Quand le restaurant se rêve en nouveau théâtre national populaire

L’avenir de la gastronomie française passe-t-il par sa démocratisation ? À l’image du théâtre populaire ou de la culture pour tous prônés par Jean Vilar et André Malraux au siècle dernier, le restaurant gastronomique se rêve lui aussi accessible à tous… pour survivre.