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La cuisine de Marguerite : quand Duras cuisine ses mots

Quand Duras parle de Marguerite et de sa cuisine, cela donne un livre court dans lequel les recettes ne jouent pas le rôle principal. Du Duras en quelques pincées d’intimité.

Il faut parfois fort peu de mots pour saisir une personne, pour la découvrir dans son intimité, dans son rapport à l’autre. Quelques lignes bien senties et vous avez l’impression de la connaitre. Cela est d’autant plus vrai lorsque les mots émergent dans l’univers culinaire. Comme un bon plat, il est inutile d’en faire des tonnes pour toucher au coeur. 

En feuilletant le très court livre signé « Duras » et intitulé « La Cuisine de Marguerite », le lecteur se régale non seulement des quelques succinctes recettes disséminées au fil des pages, mais aussi et surtout des lignes personnelles de la passionnante Marguerite Duras. 

Ecrire et faire à manger, deux activités si différentes et si semblables. « Vous voulez savoir pourquoi je fais la cuisine ? Parce que j’aime beaucoup ça… C’est l’endroit le plus antinomique de celui de l’écrit et pourtant on est dans la même solitude, quand on fait la cuisine, la même inventivité… On est un auteur… » L’écrivaine n’écrit pas « artiste », thème souvent rejeté par les professionnels des casseroles, mais « auteur », qui implique le concept de création, de réalisation. Ses recettes, Marguerite Duras les veut simples, presque banales, du Thit-Khô, « plat national de la Cochinchine, de l’Annam et sans doute du Tonkin », jusqu’à sa « confiture aux oranges amères ». Son oeuvre culinaire ne se veut surtout pas prétentieuse ou alambiquée. Le coeur du propos ne bat dans l’assiette que par procuration, laquelle n’est qu’un palliatif à un déficit d’expression du sentiment. « Je ne suis pas très expansive mais les gens ne se trompent pas là-dessus parce que je leur donne à manger… Je ne leur dis pas que je les aime, je ne les embrasse pas, je ne suis pas quelqu’un de tendre, alors je fais à manger pour les autres… » écrit-elle. 

Chacun aura compris que l’on ne lit pas « La Cuisine de Marguerite » comme un simple livre de recettes. L’écrivaine nous propose bien plus, avec toute la  concision que l’on aime dans son oeuvre littéraire, et la présence du sentiment sans avoir l’air d’y toucher : « Jamais, dans aucun cas, on ne doit faire la cuisine pour soi seule, parce que je pense que c’est ça le chemin qui mène à l’installation définitive du désespoir. À méditer. Et à lire. 

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La Cuisine de Marguerite | De Marguerite Duras | Ed. Benoit Jacob | 9€

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