Tribune | Pêche et océan : candidat(e)s, quelles sont vos solutions ? 

À l’occasion des élections européennes, dont le vote aura lieu ce dimanche 9 juin, quatre scientifiques, un chef engagé et une ONG ont rédigé une tribune pour interpeller les candidats sur la nécessité de protéger les océans et d’écrire un « futur durable de la pêche ». Bouillantes publie cette tribune pleine de bon sens.

« Nous, scientifiques, citoyens et cuisiniers engagés, interpellons les candidats aux élections au Parlement européen qui auront lieu le 9 juin 2024, sur cette question d’une importance capitale pour l’avenir de notre planète : la protection des mers et de l’océan et le futur de la pêche, dont la régulation se décide largement à l’échelle communautaire. » Ce préambule à la tribune (lire ci-dessous) a été rédigé par Alain Biseau (Ifremer), Gilles Boeuf (MNHN, Sorbonne Université), Philippe Cury (IRD), Christophe Lavelle (CNRS, MNHN, Sorbonne Université) et le chef Olivier Roellinger, engagé auprès de l’ONG Ethic Ocean. Leur objectif est clair : interpeller les futurs députés européens sur tous les enjeux liés aux océans, et à la pêche durable en premier lieu, alors même que ces débats sont largement absents des programmes des différents candidats. 

C’est cette absence coupable que les cinq auteurs de la tribune ont décidé de souligner en rédigeant cette tribune. 

_____

La tribune

Candidat(e)s, quelles sont vos solutions pour protéger nos mers et notre océan et écrire un futur durable de la pêche ?

La France possède une riche tradition maritime, qui est intégrée dans l’identité culturelle de nombreuses régions côtières. Des festivals aux musées de la mer, cette culture est célébrée et préservée. Les côtes françaises attirent des millions de touristes chaque année, contribuant ainsi à l’économie locale, et les ressources comestibles (poissons, coquillages, crustacés) issues de la pêche ou de l’aquaculture rappellent, à travers notre alimentation, l’importance de préserver ces écosystèmes fragiles, aujourd’hui largement menacés par une surexploitation des stocks et des pratiques non durables.

Aussi, à l’aube de cette nouvelle échéance électorale, nous, scientifiques, citoyens et cuisiniers engagés, interpellons les candidats aux élections au Parlement européen qui auront lieu le 9 juin 2024, sur cette question d’une importance capitale pour l’avenir de notre planète : la protection des mers et de l’océan et le futur de la pêche, dont la régulation se décide largement à l’échelle communautaire. Les mers abritent une incroyable diversité d’espèces marines (plus de 300 000), des poissons aux mammifères marins, en passant par les coraux et les algues. Cette biodiversité est essentielle pour le maintien des écosystèmes marins. L’océan joue un rôle-clé dans la régulation du climat mondial en absorbant une grande partie du dioxyde de carbone et en redistribuant la chaleur à travers les courants océaniques ainsi qu’en produisant beaucoup d’oxygène grâce à sa fraction vivante (plancton).

La pêche maritime soutient des milliers d’emplois directs et indirects en France. Elle est vitale pour les communautés côtières où elle représente une importante source de revenus. La France est l’un des principaux pays de pêche en Europe. La filière comprend la capture, la transformation, et la commercialisation des produits de la mer, générant des revenus importants pour l’économie nationale. Les produits de la mer sont au cœur de la gastronomie française. Les fruits de mer, mollusques et crustacés, tout comme les poissons font partie intégrante de nombreuses recettes traditionnelles qui participent à l’attractivité des régions côtières. Sans oublier la conchyliculture (élevages d’huîtres, de moules et de coquilles Saint-Jacques) qui permet de fixer sur la côte plus de personnes que la pêche. Or cette activité souffre largement de la pollution et du climat changeant.

La France, avec ses vastes zones maritimes (elle est le 2e domaine maritime mondial en surface) et son riche patrimoine côtier, a un rôle prépondérant à jouer dans la préservation des écosystèmes marins et la promotion d’une pêche et d’une aquaculture durables. Pourtant, ce sujet reste très largement absent des discours de nos élus, tant sur le plan écologique qu’économique et culturel. Les candidats à cette échéance politique se doivent d’expliquer leur vision de ces problématiques et d’apporter des solutions à ces futurs défis en abordant de manière explicite les questions suivantes.

Aussi, candidat(e)s, quelles solutions proposez-vous pour :

1 | Renforcer les politiques de conservation marine et soutenir la création d’aires marines qui soient pleinement protégées afin de préserver la biodiversité et les habitats marins critiques ?

2 | Donner toute leur place et leur importance à la recherche et aux avis scientifiques pour la gestion des pêches ? Se montrer plus ferme dans le respect des quotas, qui outrepassent encore trop fréquemment les recommandations scientifiques ? Choisir les bonnes décisions à prendre lorsque les connaissances sur l’état des ressources sont insuffisantes ? Investir dans la recherche scientifique et les technologies innovantes pour mieux comprendre les écosystèmes marins et développer des solutions efficaces aux défis auxquels ils sont confrontés ?

3 | Définir la place future des pêches artisanale et industrielle dans l’exploitation des ressources marines pour atteindre l’objectif 14 du développement durable (qui vise à la conservation et l’utilisation durable des mers et de l’océan) ?

4 | Mettre en œuvre des mesures strictes pour réduire les déchets plastiques, les produits chimiques et autres polluants dont ces redoutables perturbateurs endocriniens, qui menacent les mers et par là même l’état des ressources halieutiques qu’elles représentent ?

5 |  Développer des initiatives pour aider les pêcheurs et les communautés côtières à s’adapter aux changements environnementaux et économiques, tout en favorisant des modes de vie durables ?

Cher(e) candidat(e), futur(e)s député(e)s européen(ne)s, il est de votre responsabilité de vous exprimer publiquement sur ces sujets, de partager votre vision pour faire de la pêche durable et la protection des mers et de l’océan une priorité au sein du Parlement européen, afin que les électeurs puissent voter en toute connaissance de cause sur ces enjeux cruciaux pour notre avenir commun.

_____

PratiqueTéléchargez La Tribune au format PDFethic-ocean.org

Photographie | Hans Isaacson

LES COURTS BOUILLANTES

LES DERNIERS ARTICLES

Cités de la Gastronomie : Dijon coule… comme les autres

Sur le papier, les projets étaient grandioses. Sur le terrain, l’échec est total. Alors que le projet Paris-Rungis est repoussé aux calendes grecques, la Cité de Lyon est au point mort tandis que celle de Dijon connait redressements et liquidations judiciaires.

Après les révélations de violences conjugales, quel avenir professionnel pour le chef Jean Imbert ?

Une enquête du magazine Elle a mis en évidence les violences conjugales de Jean Imbert, chef du Plaza Athénée et signataire de nombreuses cartes en France et à l’étranger. Les faits révélés, s’ils relèvent de la sphère privée, ne sont pas sans conséquences pour les établissements et les marques qui ont misé sur la puissance médiatique de l’ex-Top Chef. Risque économique, mauvaise image, bad buzz, comment les employeurs peuvent réagir à une telle situation, du silence radio à la rupture de contrat.

Jean Imbert et le « syndrome de Stockholm » vécu par ses collaborateurs

Après les révélations sur le fonctionnement violent de Jean Imbert avec ses compagnes, faut-il en conclure que le chef se comporte avec ses collaborateurs comme l’homme dans la sphère privée ? Bouillantes a recueilli plusieurs témoignages qui ne laissent guère de doute sur la personnalité d’un homme manipulateur dont l’emprise semble incontestable, jusqu’à provoquer un surprenant syndrome de Stockholm.

Jean, Hubert, Ivan et les autres : le #metoo de la restauration a peut-être commencé

Après les premières révélations publiées dès 2014, le sujet des violences en cuisine constitue un sujet plus ou moins régulier dans la presse et sur les réseaux sociaux. Il est revenu en force ces derniers jours avec des témoignages qui accusent directement et précisément certains acteurs de la restauration pour des faits répréhensibles commis en dehors de la chaleur des fourneaux. Après Jean Imbert il y a à peine quelques jours, une « figure montante de la scène food parisienne » vient d’être accusée d’avoir drogué au GHB une femme au sein même de son établissement. Laquelle ne serait manifestement pas un cas isolé. Quand les casseroles sortent à une telle cadence, il faut se demander si le #metoo des cuisines ne vient pas réellement de démarrer.

Le vin « nature » : expression du terroir ou dogme du laisser-faire ?

Défendu comme une expression pure du terroir, critiqué pour ses excès, le vin nature bouscule les codes du monde viticole. Ce « vin philosophique » selon l’expression du sommelier Xavier Thuizat interpelle tout un secteur, interroge un savoir-faire ancestral et repose la question de l’équilibre entre la maitrise et l’aléa, l’expression directe d’un terroir et la technique qui oriente. Derrière les idées reçues, entre idéal et réalité, est-ce finalement le nature qui dénature ?

L’Assiette Champenoise (Tinqueux, 51) : l’émotion renouvelée

Dans le cercle restreint des tables triplement étoilées françaises, l’Assiette Champenoise est régulièrement citée comme l’une des plus excitantes. Dans cette belle ville de Reims toujours plus étoilée, que vaut vraiment cette table dirigée par Arnaud Lallement, lequel peut compter depuis une année sur l’arrivée de son fils, Brice ? Retour d’expérience.

Drouant, son chef et ses belles bécasses postées sur Instagram

Romain Van Thienen, chef du restaurant Drouant (Paris, 2e arr.) a posté il y a quelques jours une vidéo et des photos de… bécasses accrochées dans les cuisines de son établissement. Se rendant compte de sa grosse bourde, il a rapidement supprimé tout le contenu. Mais le mal était fait.

Violences conjugales : Jean Imbert dans la tourmente

Porte défoncée, coup de boule… Selon nos informations, un article publié par le magazine Elle dans les prochaines heures relate différents faits graves de violences conjugales commis par le chef Jean Imbert. Lequel n’en serait malheureusement pas à son coup d’essai.

Le faux « ambassadeur » Guillaume Gomez va enfin assumer son rôle de vrai « consultant » au service de l’industrie agroalimentaire

Mais qui est vraiment Guillaume Gomez, un honnête défenseur des « petits » ou un opportuniste qui fait affaire avec les « gros » ? Celui qui s’est autoproclamé « ambassadeur de France de la Gastronomie » devrait dévoiler son jeu d’ici peu et annoncer officiellement le lancement de son agence de conseil au service de l’industrie agroalimentaire. La casquette change mais le boulot reste le même.

Partenariats à gogo : le Michelin s’est pris une veste par Hugo Roellinger

Lors de la cérémonie du guide Michelin, contrairement à tous ses confrères et consoeurs, le chef Hugo Roellinger n’a pas enfilé sa veste blanche offerte par le Bibendum, arborant les toutes chaudes trois étoiles mais aussi le nom de plusieurs partenaires qui ne collent pas vraiment avec l’esprit de la maison bretonne. Un acte solitaire qui honore un homme, une famille, et qui devrait interpeller toute une profession.

Alain Ducasse : bientôt sans biscuits ? 

Une étoile de perdue au Benoit, une étoile absente chez Ducasse Baccarat, un Meurice qui stagne à deux étoiles et, possiblement, la perte d’une mission de consulting emblématique pour Alain Ducasse. Le Monégasque est-il en train de perdre ses biscuits ?

Stephan Paroche et Justine Viano reprennent le Calice à Béziers (34)

Après le départ du chef Fabien Lefebvre, c’est le couple Justine Viano et Stephan Paroche qui reprend les rênes du restaurant Calice à Béziers. Par on ne sait quel miracle, alors que la table est fermée depuis plusieurs semaines et qu’il a été prévenu, le guide Michelin a laissé l’étoile.

La SNCF mène-t-elle grand train avec son nouveau bistro ?

La SNCF a lancé début mars une nouvelle offre de restauration à bord de ses TGV. Dans une sorte de retour sur son histoire et de tentative de coller à la mode des bistrots, des plats chauds tels que les crozets reblochon et la saucisse purée sont désormais disponibles. Mais est-ce bon ? Pour Bouillantes, la journaliste Sarah Rozenbaum a goûté.

Guillaume Galliot : « Mon terroir est international » (podcast)

Vu de Hong Kong, les problématiques des chefs de cuisine sont-elles les mêmes qu’en France ? Importance et impact des étoiles Michelin, sourcing produits, logistique, saisonnalité, autant de thèmes abordés avec le chef français Guillaume Galliot, à la tête du restaurant triplement étoilé Caprice, situé au sein du prestigieux hôtel Four Seaons. En expliquant que « (son) terroir est international, de la France jusqu’à l’Australie », on comprend que sa logique culinaire se distingue du discours français traditionnel. Un podcast dépaysant et instructif comme il faut.