Son restaurant ressemble à une navette spatiale. L’homme est un ovni. Mais sa cuisine a les pieds sur terre, dans la terre même, enracinée dans un terroir, la Bretagne, qu’il ne souhaite surtout pas voir réduit au sarrasin ou autres produits emblématiques de la région. « Tant que ça pousse ici, c’est breton, non ? » rigole-t-il. Le chef, homme du cru, a fait toute sa carrière dans la restauration, « mais de tous les genres, incluant Brioche Dorée par exemple ». Des expériences chez des étoilés ? « Aucune ! » On le regarde forcément un peu de travers car la chose est rare pour ne pas dire exceptionnelle. Comme nous l’écrivions il y a peu (lire notre article : « Quel est le profil parfait pour gagner une première étoile au guide Michelin ? »), le Bibendum conserve une fâcheuse tendance à récompenser les chefs issus du sérail. Lui s’en moque et argumente : « Je n’ai jamais travaillé dans un restaurant étoilé mais une partie de mon équipe a déjà une expérience dans de telles tables ». Pour Jérôme Jouadé, qui ne semble pas du tout jouer les faux modestes, « la cuisine, ici, c’est du collectif ». « La cuisine du restaurant est le résultat de toutes nos expériences. Si une partie de l’équipe venait à changer, que ce soit en cuisine ou en salle, celle-ci ne serait pas la même. Ici tout le monde goûte, tout le monde y va de son avis, La cuisine est vivante, collective et à hauteur d’équipe. »

Après les mots, la bouche. L’apéritif englouti – sublimes cocktails accompagnés à la perfection d’une petite gaufre travaillée et d’une charcuterie maison de haut vol – pris dans une serre, les convives sont invités à sortir et rejoindre le premier étage de la capsule spatiale à la forme parfaitement ronde et entièrement vitrée. Là s’enchainent les propositions culinaires directes et percutantes, à l’image d’une sublime rosace de lotte, betterave et huile d’aneth, ou d’une Saint-Jacques crue coupée épaisse, agrumes et glace piment addictive. Tous les goûts sont là, savamment convoqués, visibles, sans excès, sans fioritures : quand la belle cuisine semble simple, elle s’apprécie dans la justesse de ce qu’elle est et pas dans ce que l’on cherche à faire comprendre. Le service se goûte de la même façon, franc et naturel.
Derrière la folle architecture (folle mais très réussie) du site, se déguste une cuisine de la sincérité, totalement contemporaine – les « maitres » du chef se nomment Christophe Pelé, Bruno Verjus et Alexandre Gauthier – et parfaitement réalisée, à l’antithèse du démonstratif inutile. Quoi de plus normal que l’étoile brille plus fort quand on apprécie son repas du haut d’une navette spatiale qui propose un fort joli voyage.
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Pratique | Lien vers le site du restaurant
Photographie | Emmanuelle Levesque, FPR