Diantre, du collagène dans mon cocktail sans alcool. Tel est le positionnement – partiel et éphémère – du restaurant Coya (Paris, 7e arr.) qui a récemment communiqué sur la création de « trois mocktails inédits », réalisés en partenariat avec la marque Apnée, spécialisée dans le collagène à boire. Cette protéine assure tenue et élasticité de notre peau et contribue également à la souplesse de nos articulations. Au fil des années, nos corps la synthétise de moins en moins, d’où l’apparition de nos plus belles rides et de nos démarches chaloupées à la Joe Biden. Voilà pour le cours de médecine. Quant au goût de notre collagène, il n’en est jamais fait mention. En revanche, collaboration commerciale oblige, nous savons que le collagène marin « Bain de minuit » se marie avec du yuzu, du basilic et différents jus, et que le collagène marin « Baiser salé » se mélange à la noix de coco, au café, au sucre de canne et à la fève de tonka. « Des mocktails alliant plaisir et bien-être… » est-il précisé. Boire, c’est la santé.
Pour le « plaisir », il faudra goûter. Mais pourquoi du « bien-être » ? Dans la présentation, très maladroite, de la marque, il est écrit que les deux créatrices ont « souhaité créer des boissons au collagène à la fois efficaces, naturelles et savoureuses, aux résultats cliniquement prouvés ». Efficaces en quoi ? Qu’est-ce qu’ont prouvé les essais cliniques ? Un bullshit marketing qui repose sur la crédulité du lecteur et du consommateur. Mais aussi sur son ignorance totale du fonctionnement des protéines. Un article rédigé en 2024 par Que Choisir démonte point par point tous les arguments du miracle collagène. « Grâce à un mélange de marketing outrancier et d’arguments scientifiques malhonnêtes, le collagène a réussi à se faire passer pour un produit anti-âge, qui comblerait aussi bien les rides qu’il soulagerait les articulations » entame d’emblée l’article. Sur l’existence d’études scientifiques prouvant l’utilité des produits à base de collagène, Que Choisir explique que celles-ci reposent sur des travaux insuffisants, sur des panels beaucoup trop réduits, avec un manque évident de méthodologie. Surtout, le collagène ingéré n’est pas « géré » par notre corps comme du collagène. « Le corps n’est pas capable d’assimiler le collagène sous cette forme, explique le docteur Claire Vinatier, chercheuse dans l’unité Inserm Médecine régénérative et squelette à Nantes Université. Lorsque du collagène est ingéré, il est traité comme toutes les autres protéines : il est dégradé en acides aminés pour pouvoir passer la barrière intestinale. Une fois assimilés, ces acides aminés peuvent servir à reconstruire des protéines, mais pas le collagène plus spécifiquement qu’une autre » précise l’article. Le collagène à boire, bon pour la santé ? « Il n’y a aucune preuve que ça marche. Et, surtout, il n’y a aucune raison que ça marche » tranche définitivement le président d’honneur de la Société française de rhumatologie Francis Berenbaum.
Un mockail au collagène liquide chez Coya, pourquoi pas pour une découverte gustative. Mais pour le bien-être et les effets « actifs naturels anti-âge, pour permettre aux femmes de retrouver une peau rayonnante, pulpeuse et de révéler leur beauté depuis l’intérieur » (et d’ailleurs, pourquoi serait-ce réserver aux femmes ?!), cela ressemble surtout à une couillonnade de première classe. Vivement février tiens.
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