Portrait | Fabien Ferré, le fulgurant

Chef de La Table de l’Hôtel & Spa du Castellet depuis tout juste un an, Fabien Ferré décroche la récompense suprême. Un parcours fulgurant pour ce chef de 35 ans qui a pris, au printemps dernier, la suite de Christophe Bacquié.

Travailleur, persévérant et fonceur. Son parcours reflète son état d’esprit et inversement. Bras droit de Christophe Bacquié pendant dix ans, lorsque celui-ci quitte l’établissement pour s’installer dans le Lubéron, Fabien Ferré prend sa première place de chef et doit relever le défi de succéder aux trois étoiles. En 2023, le guide ne mentionne même plus la table… passée de trois à zéro étoile. Il fallait donc recommencer le parcours. Le jeune chef espérait en décrocher deux, mais en ce 18 janvier, le guide en a décidé autrement, estimant que l’excellence était de retour et que la table méritait, une nouvelle fois le voyage. « La Table du Castellet constitue une réelle ouverture, avec un nouveau chef qui développe déjà sa propre personnalité culinaire. Même s’il a été formé par Christophe Bacquié, il n’en demeure pas moins que c’est Fabien qui fait sa cuisine avec son équipe. Nos inspecteurs ont été séduits à chacun de leurs repas et il vaut pleinement cette recommandation des trois étoiles » explique Gwendal Poullennec, directeur international des guides Michelin. Et d’ajoute que « Fabien est une illustration de cette sélection qui met en avant la jeunesse puisque la moitié des chefs promus ont moins de 40 ans.  

Déterminé et compétiteur (il a été deux fois finaliste du concours Meilleur Ouvrier de France) Fabien Ferré a foncé, relevé le défi d’une succession préparée mais non sans pression : il était attendu au détour des pistes du circuit du Castellet tout proche. De manière assez surprenante, il dévoile dès l’ouverture, en avril 2023, un style affirmé, une identité culinaire percutante, bien à lui, radicalement différente de celui qui fut son chef pendant dix ans. « C’est une cuisine qui me ressemble » a-t-il tendance à dire lors de son tour de table de fin de service.

Si sa cuisine s’attache à la Méditerranée et à la Provence qu’il met en scène dans deux menus (Expression Marine et Expression Végétale), Fabien Ferré propose une remarquable partition autour du poisson, mettant en avant les pêcheurs de Sanary et de Tamaris. La carte ne comporte d’ailleurs qu’un seul plat de viande proposé en remplacement. L’encornet grillé, jus de marjolaine et huile de basilic, assurément l’un des plats emblématiques de la carte, conjugue force et subtilité, simplicité apparente et caractère assumé. Un plat magistral qui a marqué les mangeurs les plus exigeants venus en nombre durant l’été. On pourrait citer, sur la carte d’automne, le maquereau brûlé à la flamme, céleri, kiwi et gel de géranium, vinaigrette émulsionnée à l’aloé vera ou l’épatant topinambour rôti puis confit, jus d’algues, gel d’algue et criste marine, point d’orgue du menu végétal. Ses assiettes, épurées, vont à l’essentiel : un produit, une sauce, un condiment. Ses sauces, grandioses, mêlent force et subtilité, savoir-faire et émotion, un coup de poing olfactif et gustatif à chaque plat. Côté sucré, la proposition est plus classique : un soufflé à la vanille de Tahiti ou un chocolat Nicaragua avec criste marine et huile d’olive maturée. On retiendra plutôt la  poire rôtie, shiso et granité verjus, elle, plus dans la continuité créative du menu. Les agapes se terminent par un nougat maison au léger goût d’olive, servi minute en salle, qui conclut cette partition provençale dans une jolie mise en scène.

Fabien Ferré en six dates

2006 | Gagnant du trophée Lameloise 
2010 | Maison Troisgros (3 étoiles Michelin) où il passera 3 ans
2013 | Arrivée à l’Hôtel & spa du Castellet en tant que sous-chef de cuisine
2014 | Trophée Espoir de l’année du magazine Le Chef
2018 et 2022 | Finaliste du concours Meilleur Ouvrier de France
2023 | Nommé chef exécutif des restaurants de l’Hôtel du Castellet (La Table, le San Felice et le room-service)

Les mauvaises langues diront que le Michelin a « maintenu » les trois étoiles de l’établissement – alors que la table était totalement sortie de l’édition 2023 – les aigris diront qu’il a « récupéré » les étoiles, ceux qui y ont mangé salueront une cuisine créative, émouvante, percutante et souligneront l’exploit d’avoir affirmé son style en si peu de temps. Après dix ans dans l’ombre de Christophe Bacquié, il faut dire que le jeune chef a appris la technique, la rigueur et l’exigence, de là à dire qu’il murissait depuis longtemps ses propres idées en coulisses, c’est probablement le cas.

Au-delà de son style personnel dans l’assiette, la table de Fabien Ferré a eu l’avantage de disposer d’une équipe bien en place et habituée au très haut niveau : Guillaume Cocault à ses côtés en cuisine, Loic Colliau et Francis Luciano en pâtisserie, Jonathan Pral, sommelier aguerri. Cadre épuré ouvert sur le parc, décoration contemporaine, impressionnante cave à fromages au coeur de la salle, cave à vins fournie et arts de la table sur-mesure, tous les fondamentaux d’un trois étoiles étaient déjà présents. En revanche, avec une table qui ne porte pas son nom, sobrement nommée La Table, des moyens réduits par rapport à l’époque Bacquié, notamment en terme de personnel (la brigade est nettement moins fournie), la direction du Castellet avait-elle vraiment le souhait de retrouver le sommet ? L’objectif ouvertement affiché était de récolter une étoile, le chef et l’équipe en espéraient deux… le guide a vu plus grand. La Table de l’hôtel du Castellet rouvre ses portes le 05 avril. À vos réservations. 

_____

PratiqueLien vers le Castellet
Photographies | JP Fretillet

DOSSIER

La restauration, son image et ses dysfonctionnements : à qui la faute ? Le rôle des partenariats

S’il y a bien un secteur qui baigne dans une image paradoxale, c’est celui de la restauration. D’un côté, les lumières médiatiques, les jolis partenariats, la relation directe avec le client venu pour se faire plaisir. De l’autre, des horaires à rallonge, des salaires peu enviables et, plus largement, des conditions de travail difficiles, voire violentes. Le restaurant, un miroir aux alouettes des temps modernes ? Bouillantes a mené un grand travail de décryptage en quatre volets pour essayer de comprendre d’où viennent ces paradoxes et ces dysfonctionnements. À qui la faute si faute il y a ? Ce premier volet est consacré aux partenariats qui… ne sont pas irréprochables dans cette affaire.

LES COURTS BOUILLANTES

LES DERNIERS ARTICLES

Les écoles de cuisine de Thierry Marx à bout de souffle

Le réseau des écoles Cuisine mode d’emploi(s), fondé par Thierry Marx, pourrait définitivement péricliter dans les prochaines semaines. Sur les neuf établissements, cinq ont déjà fermé leurs portes. Les autres pourraient suivre le même chemin dans les prochains mois.

Cités de la Gastronomie : Dijon coule… comme les autres

Sur le papier, les projets étaient grandioses. Sur le terrain, l’échec est total. Alors que le projet Paris-Rungis est repoussé aux calendes grecques, la Cité de Lyon est au point mort tandis que celle de Dijon connait redressements et liquidations judiciaires.

Après les révélations de violences conjugales, quel avenir professionnel pour le chef Jean Imbert ?

Une enquête du magazine Elle a mis en évidence les violences conjugales de Jean Imbert, chef du Plaza Athénée et signataire de nombreuses cartes en France et à l’étranger. Les faits révélés, s’ils relèvent de la sphère privée, ne sont pas sans conséquences pour les établissements et les marques qui ont misé sur la puissance médiatique de l’ex-Top Chef. Risque économique, mauvaise image, bad buzz, comment les employeurs peuvent réagir à une telle situation, du silence radio à la rupture de contrat.

Jean Imbert et le « syndrome de Stockholm » vécu par ses collaborateurs

Après les révélations sur le fonctionnement violent de Jean Imbert avec ses compagnes, faut-il en conclure que le chef se comporte avec ses collaborateurs comme l’homme dans la sphère privée ? Bouillantes a recueilli plusieurs témoignages qui ne laissent guère de doute sur la personnalité d’un homme manipulateur dont l’emprise semble incontestable, jusqu’à provoquer un surprenant syndrome de Stockholm.

Jean, Hubert, Ivan et les autres : le #metoo de la restauration a peut-être commencé

Après les premières révélations publiées dès 2014, le sujet des violences en cuisine constitue un sujet plus ou moins régulier dans la presse et sur les réseaux sociaux. Il est revenu en force ces derniers jours avec des témoignages qui accusent directement et précisément certains acteurs de la restauration pour des faits répréhensibles commis en dehors de la chaleur des fourneaux. Après Jean Imbert il y a à peine quelques jours, une « figure montante de la scène food parisienne » vient d’être accusée d’avoir drogué au GHB une femme au sein même de son établissement. Laquelle ne serait manifestement pas un cas isolé. Quand les casseroles sortent à une telle cadence, il faut se demander si le #metoo des cuisines ne vient pas réellement de démarrer.

Le vin « nature » : expression du terroir ou dogme du laisser-faire ?

Défendu comme une expression pure du terroir, critiqué pour ses excès, le vin nature bouscule les codes du monde viticole. Ce « vin philosophique » selon l’expression du sommelier Xavier Thuizat interpelle tout un secteur, interroge un savoir-faire ancestral et repose la question de l’équilibre entre la maitrise et l’aléa, l’expression directe d’un terroir et la technique qui oriente. Derrière les idées reçues, entre idéal et réalité, est-ce finalement le nature qui dénature ?

L’Assiette Champenoise (Tinqueux, 51) : l’émotion renouvelée

Dans le cercle restreint des tables triplement étoilées françaises, l’Assiette Champenoise est régulièrement citée comme l’une des plus excitantes. Dans cette belle ville de Reims toujours plus étoilée, que vaut vraiment cette table dirigée par Arnaud Lallement, lequel peut compter depuis une année sur l’arrivée de son fils, Brice ? Retour d’expérience.

Drouant, son chef et ses belles bécasses postées sur Instagram

Romain Van Thienen, chef du restaurant Drouant (Paris, 2e arr.) a posté il y a quelques jours une vidéo et des photos de… bécasses accrochées dans les cuisines de son établissement. Se rendant compte de sa grosse bourde, il a rapidement supprimé tout le contenu. Mais le mal était fait.

Violences conjugales : Jean Imbert dans la tourmente

Porte défoncée, coup de boule… Selon nos informations, un article publié par le magazine Elle dans les prochaines heures relate différents faits graves de violences conjugales commis par le chef Jean Imbert. Lequel n’en serait malheureusement pas à son coup d’essai.

Le faux « ambassadeur » Guillaume Gomez va enfin assumer son rôle de vrai « consultant » au service de l’industrie agroalimentaire

Mais qui est vraiment Guillaume Gomez, un honnête défenseur des « petits » ou un opportuniste qui fait affaire avec les « gros » ? Celui qui s’est autoproclamé « ambassadeur de France de la Gastronomie » devrait dévoiler son jeu d’ici peu et annoncer officiellement le lancement de son agence de conseil au service de l’industrie agroalimentaire. La casquette change mais le boulot reste le même.