Passerini (Paris, 12e arr.) : catastrophe culinaire

Repéré et honoré depuis fort longtemps par la critique et les guides, chouchouté par Omnivore et le Fooding, classé meilleure table italienne de la capitale par un guide transalpin, le restaurant Passerini jouit d’une belle renommée. Pourtant, après un déjeuner il y a quelques mois qui montrait déjà des signes de faiblesse, notre dernier repas, en date du 22 juin, a tourné à la catastrophe. Pleine et entière. Récit.

Il existe, pour tout gastronome averti, des degrés d’attraction différents pour les restaurants. Il y a les tables évidentes, que l’on fait et refait régulièrement, par facilité ou par passion, et, à l’autre bout du spectre, celles que l’on ne fera jamais. À tort ou à raison. Pour être déjà allé à plusieurs reprises chez Passerini (Paris, 12e arr.), ce restaurant d’angle, à la décoration agréable et sans chichis, a longtemps occupé une position intermédiaire : désiré et désirable mais faisant toutefois l’objet d’une certaine méfiance, peut-être parce que la cuisine italienne de ce côté-ci des Alpes est rarement bien traitée. 

Il y a quelques années, cela remonte loin, un premier repas – au déjeuner – avait été concluant : une cuisine italienne franche du collier, directe, conforme à nos attentes. Puis, un deuxième repas, il y a de cela plusieurs mois, s’était conclu par ce sentiment ambigu de la déception, sans trop savoir ce qui relevait d’une situation subjective – une mauvaise humeur personnelle ? – ou d’une baisse de la qualité culinaire. 

Le diner en date du samedi 22 juin a annihilé l’équivoque en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Dès la commande du vin, et en dépit de la réelle gentillesse du serveur, la mauvaise aventure prenait forme. Sur ses conseils, nous nous sommes orientés vers une bouteille de vin italien… qu’il a été impossible de servir. En cause ? « Elle était bouchonnée, sincèrement désolé ». Qu’importe, prenons-en une autre dans le même esprit et dans la même gamme tarifaire. Ce qui fut fait. Mais comment une bouteille peut-elle être « bouchonnée » quand elle est apportée devant le client non débouchée ? La science oenologique aurait-elle fait des progrès pour permettre de juger sans goûter la qualité d’une bouteille ? Nullement. Assez bêtement, le gentil serveur n’a tout simplement pas osé dire qu’il n’y avait plus cette référence en cave et que la carte des vins n’avait pas été remise à jour. Cela arrive tous les jours dans les plus grands « étoilés » de France et de Navarre sans que cela ne prête à conséquence. Ce petit mensonge sans importance – qui ne fut pas relevé – ne constituait malheureusement que les prémisses d’une véritable catastrophe culinaire. 

Catastrophe. Certains jugeront que le mot est trop fort, abusif, provocateur peut-être. Mais il faut parfois se rendre à l’évidence et avancer les faits. L’entrée « Poivrons rouges, stracciatella, cerises, harissa, origan et scrocchiarella romana » ne proposait qu’un tout petit quart de poivron et une cerise coupée en deux. On sourit en notant l’usage du pluriel pour les deux produits dans l’énoncé du plat ! Quant à la harissa, elle devait être restée en cuisine. En bouche, cette proposition se révélait sans le moindre goût, sans aspérité, sans aucun intérêt. Une entrée insipide facturée 21€. Gloups. Pour le plat de pâte « enfant » – lequel n’a pas pu avoir ne serait-ce qu’une grenadine, on ne sert pas ça chez Passerini -, la cuisine ne semble pas avoir fait beaucoup d’effort : pâtes surcuites et boulettes d’agneau sans saveur. Il s’agissait normalement d’un plat de Passerina, la table plus simple signée du même chef et située de l’autre coté de la rue (on y reviendra ci-dessous). Du simple fait que le plat ait traversé ladite rue, son tarif a quasiment doublé, pour atteindre 27€. Quant aux deux autres plats commandés, les assaisonnements partaient à vau-l’eau, la sauge prenant totalement le dessus dans les « ravioli del Pastificio, ricotta et épinards, beurre de sauge et parmesan » (27€), tandis que les « pappardelle au ragoût d’ossobuco, girolles, safran, citron et romarin » (29€), bien cuites, ont été proposées sans… le moindre ragoût. Et sans relief. 

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Poivrons rouges, stracciatella, cerises, harissa, origan et scrocchiarella romana
Poivrons rouges, stracciatella, cerises, harissa, origan et scrocchiarella romana

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Enfin, n’oublions pas la blague de la terrasse de Passerini. Sachez que vous pouvez vous y assoir et commander chez Passerina certains plats qui se retrouvent dans les deux restaurants. Ainsi, si vous commandez les « trippa alla romana » côté Passerina mais mangées côté Passerini, il vous en coûtera 13€ ; mais si vous les commandez côté Passerini, les mêmes – mais servies de façon moins généreuse, car c’est « gastro » -, vous débourserez 18€. Ici, manifestement, on ne paie plus la qualité, ni même la quantité, mais le nom de l’enseigne. 

Quand rien ne va… Impossible d’échanger avec le chef Giovanni Passerini puisqu’il était absent. Lors d’une rapide explication au milieu du repas avec le directeur de salle, celui-ci s’est contenté de lever les yeux au ciel. Pour y trouver Sainte Rita peut-être. Après une telle déroute culinaire, on comprend mieux pourquoi il restait encore de nombreuses tables libres alors même que la plupart des tables parisiennes, contactées dans l’après-midi, affichaient complet en ce samedi soir de juin. 

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Pratique | passerini.paris

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Portrait d’un chef résilient, qui a tout connu, de l’étoile Michelin à… quatre AVC, une vie abîmée mais une envie folle d’avancer et de montrer que le handicap, ce n’est pas la fin des haricots

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