Les Boy’s Clubs de la gastronomie : un entre-soi qui freine l’égalité

Les boys clubs sont partout. Ces cercles masculins, plus ou moins visibles, tiennent les femmes à distance des lieux de pouvoir (politique, affaires, sport…). La gastronomie n’y échappe pas. Lorsqu’on observe ces espaces dominés par des hommes – chefs étoilés, dirigeants, experts médiatiques –, cela paraît presque « normal ». C’est ce qu’on appelle la naturalisation sociologique : la tendance à voir les inégalités comme allant de soi. Or, il s’agit bien d’un système construit et entretenu, décrit par Bourdieu, Foucault ou Butler. Alors une fois qu’on l’a vu, on fait quoi ?

Sarah Hamza (Soma, Lyon 5e arr.) : « Si ça ne va pas, tu pars, si tu as une intuition de quelque chose qui cloche dans un établissement, pars. Ce n’est pas un échec, c’est de la survie »

Dans un paysage gastronomique encore très codifié, où les réseaux informels et les cercles d’influence pèsent sur les trajectoires individuelles, certaines cheffes imposent leur voix et leur cuisine. Sarah Hamza en fait partie. À Soma (Lyon, 5e arr.), elle revendique une cuisine personnelle et vivante, portée par l’intuition, le produit et l’envie de créer un espace de travail pour elle et son équipe plus juste et plus apaisé. Elle s’exprime sur les « boys club » et sur les conséquences de la différence de traitement entre homme et femme.

Charles Guillou (Goustut, Capbreton) : « J’ai vu que la cuisine était genrée dès l’école hôtelière »

Pendant des années, Charles Guillou a suivi les codes du métier : autorité verticale, cuisine virile, gestion par la peur. Jusqu’au jour où il a tout remis en question. Aujourd’hui, à Goustut, son restaurant de Capbreton (Landes), il dirige autrement, sans crier, sans écraser, sans reproduire les stéréotypes. Il défend un management égalitaire, une cuisine engagée et une attention sincère au bien-être des équipes. Entretien.

Femmes aux petits soins, hommes au grill : des rôles encore bien genrés en cuisine

En cuisine, comme une évidence, pendant que l’homme cuit, la femme s’occupera d’une autre tâche qui correspond à son genre. Et, souvent, il s’agira d’un travail intangible pourtant crucial, mais surtout non valorisé. La sociologue Raphaëlle Asselineau met en avant, dans ce nouvel opus de la rubrique Cul-Cul, l’inégalité flagrante entre l’homme et la femme derrière les fourneaux.

“Oui chef·fe !” : l’intégration par imitation

Le fameux « Oui chef.fe » a encore cours dans la plupart des cuisines des restaurants français. Une expression qui en dit long sur le métier, sur ses codes et qui dépasse de loin les seuls savoir-faire. Doit-elle désormais tourner court ?

Tanguy Laviale (Ressources, Bordeaux) : « Ce n’est pas l’ordre qui crée la performance, c’est l’adhésion »

Dans un milieu encore largement marqué par la hiérarchie militaire, les violences symboliques et la compétition effrénée, Tanguy Laviale fait figure d’exception. À la tête du restaurant bordelais Ressources, il a choisi une autre voie : celle de l’horizontalité, du respect, et du management « durable ». Entretien sans détour avec un chef qui refuse d’en être un.